COMME UNE EPONGE GORGEE…

Bob l’éponge…

Que ceux que la langueur swinguée, les phrases rutilantes de notes, qui font tours et détours, la basse qui souligne puis prend son envol,  l’atmosphère lumineuse d’un piano qui ne veut pas finir tant il nous met en état d’éternité, indisposent ou indiffèrent, passent leur chemin. Keith Jarret et Charlie Hadden sont  de ceux-là, de ces génies paisibles que la grâce caresse!

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Comme une éponge qui se goinfre des autres et d’elle même, j’écris…

Pour découvrir les mondes cachés, subtils, invisibles, qui me gouvernent. Pour remettre toujours en question les certitudes qui se prennent pour des idées. Pour ouvrir l’œil intérieur, qui regarde – et que je nie le plus souvent – les galaxies ombreuses et honteuses qui tournent, en rondes incessantes et puissantes, au cœur de mon aveuglement de surface. Pour démolir mon image. Pour ne pas croire seulement ce que je crois savoir. Pour un jour, peut-être, accepter d’être ce que je suis vraiment, que j’ignore encore, que je découvre le plus souvent avec effroi, avec étonnement parfois…Sans même l’ombre d’un espoir de m’en approcher.

Pour chier dans la colle, aussi. Pour enculer Panurge…

Putain d’ego aux chevilles boursouflées. Ennemi intime. Diable tapi dans le creux des vanités. Pour dézinguer la conscience satisfaite, confortablement engluée dans la béatitude générale.

Difficile d’asséner un préambule plus chiant que ça, je l’avoue…

Mais à quoi bon vivre, pour gober sans «maudire» les lieux communs ordinairement susurrés par les petits maîtres de la communication. Ah la communication, «manière d’être ensemble», que le sens moderne pervertit, en imposant la nécessaire conformité… qui s’est elle même transformée en conformisme fade. Ah, «les plans com», à tous les coins de pages, sur toutes les ondes, sur toutes les lèvres! Le pouvoir du Verbe, dérobé, appauvri, caricaturé, confisqué, étouffé. Tous les profits sont bons, à glisser dans les poches sans fond de ceux que la faim – ultime torture – ne taraude pas.

Alors rêver, laisser les expériences multiples confluer. Que le vin porte la musique et les mots qui chantent, les émotions qui palpitent, les sensations qui se télescopent, les idées qui s’affrontent, les couleurs vibrantes au ciel et aux toiles des comètes disparues. La vie, ses douceurs et ses tumultes. Les exaltations et les vague-à-l’âme.

Oui, d’accord, OK, c’est bon, mais pourquoi donc sur un Blog???

Ben, parce que…

Le vin, le partage. La passion commune, qui rassemble autant qu’elle divise. Voyager plus vite que la lumière, concurrencer la vitesse de la pensée. Se rapprocher de loin, ou du moins l’espérer. «L’homme est un être social» selon Durkheim (oui je sais, je simplifie un peu mais ça m’arrange), partout, toujours, jusque sur les mirages du virtuel. Ressentir, appréhender, fraterniser, par tous les moyens même les plus irréels. Au delà de l’individualisme qu’encensent les penseurs fragiles du temps présent – et à venir, encore longtemps sans doute – le besoin de partage, le bonheur de donner sans calcul, subsiste. Comme un gène mystérieux, que je cultive obstinément. Que la joie m’éclaire, que le spleen me ronge, qu’il pleuve, qu’il vente dans ma tête plus fort qu’au cœur d’une tempête, je donne le meilleur de mon vin, comme le pire de mes cauchemars. La vie est complexe, étourdissante, au delà du prix, comme la plus aérienne des Romanée Conti. Et dans ma tête resplendissent les sourires, coulent les larmes de tous ceux que mes mots arrêtent un instant. Tel Cyrano, à la fin de la bouteille, je touche. Plus précisément, j’espère…

Et je chevauche la fibre, comme Julius Evola le tigre*.

J’y glisse mes mots dérisoires, mes extases et mes emportements, comme ça, pour rien. Rien que pour dire. Pour vous gratifier, vous titiller, vous tous, autant – et même plus – que vous êtes et que je peux.

Pour exister aussi et surtout, sans doute, sincérité oblige.

Tout ça pour vous dire que je n’ai pas fini de vous infliger, de vous affliger, de vous endormir, de vous énerver, de vous émouvoir, de vous égratigner, de vous emmerder, de vous ravir – à vous même, si possible – de vous choquer, de vous réveiller, de vous «indifférer», de vous agacer, de vous emmener promener, de vous balader, de vous faire hurler, de vous enchanter, de vous indisposer, de vous faire réagir, de vous nourrir, de vous filer la gerbe, de vous faire des croche-pieds, de vous supporter, de vous porter, de vous étreindre, de vous perdre dans mes labyrinthes, de vous entourlouper, de vous charmer, de vous séduire, de vous mentir, de vous renverser, par les fils ténus de l’optique, de la lumière aveugle…

Bref, de vous donner envie de me honnir, de me bannir.

De me lire.*

Car sans vous, je boirais comme un ivrogne triste*

Mes doigts s’éloignent un instant de la plume de mon clavier pour porter à mes lèvres, l’or rutilant d’un Néga-Saumas 2007, pur Bourboulenc de Supply Royer. Puisse t-il, en moins de temps qu’il me faut pour le boire, enchanter vos papilles, par la grâce virtuelle de la toile invisible, qui, dans le meilleur des cas, nous unit.

Ce Néga 2007 ouvert il y a plus d’une semaine, s’était peu exprimé sous mes naseaux navrés, peu montré en bouche, comme une courtisane capricieuse. Resserré, introverti, décevant. La demi-bouteille « oubliée » en cave (« en cave » ça a de la gueule, non??) et retrouvée à l’instant, s’est nettement déboutonnée, comme une courtisane dans un vestiaire. J’y retrouve, enfin, un nez coopératif et même exubérant – les vins blancs seraient-ils féminins pour ainsi se montrer changeants? Une bouche, au « toucher » (à l’infinitif s’il vous plaît… ami Québécois si tu me lis?) inimitable avec un équilibre gras-fraîcheur remarquable. Une matière « énorme » (pour sacrifier à la mode langagière du moment… c’est bon de faire sa « pute » de temps à autre, ça plait aux jeunes et aux publicitaires, aux commerciaux aussi! Hum, ça me chatouille le cervelet rien que de l’écrire!). Mais revenons au Néga et sa matière, qui bien que conséquente, n’en demeure pas moins distinguée. Puissance et élégance s’y épousent parfaitement. Le fruit est jaune, mûr, glissant, frais, il vous envahit l’espace buccal, y lâchant les chevaux d’un coup!! C’est du bonheur, quand ça grimpe la côte comme une voiture de course. C’est parfaitement masculin/féminin..complémentaire donc. D’où, comme une violente petite mort douce en bouche. La finale s’étire comme un chat au réveil, réglissante, épicée, minérale (et merde pour les puristes!!!).

* N’y voir aucune apologie, d’aucune sorte, chapelle ou obédience, ce n’est qu’une image…

* Si vous n’avez pas compris, relisez…

* Là vous avez compris…

EALAMOVOTITRECONE.