VOYAGE AU BOUT DE LAFAURIE…

Nous aurions pu subir une leçon fastidieuse, assénée par un «Chartronné», compassé, docte et pontifiant…

Vous pourriez aussi penser qu’il va vous falloir passer au travers de mes vaticinations prétentieuses (pléonasme), réitérantes, abstruses, qui n’en finissent de vous agacer, alors que seul le pinard, dont au sujet duquel je suis censé enfin causer (aberrations syntaxiques multiples), n’en finit plus d’être sur le point d’arriver, alors que vous êtes pressés, parce que votre temps est aussi précieux que vous vous sentez indispensables, parce que la vie est courte (charmante Lapalissade), qu’il vous faut aller de l’avant pour ne pas reculer et risquer de vous faire empaler (enculer pour les puristes), qu’il vaut mieux agir que blablater, que vous êtes un de ces entrepreneurs dont dépend la survie de l’espèce, que les I-Phones clignotent autour de vous comme des putes surmaquillées, tandis que la batterie de votre I-Pad bat la chamade et que vos Blackberries sonnent l’hallali des coeurs meurtris. Parce quà cause de tout ça et du reste (expression bien utile), vous allez louper cette putain de grosse transaction juteuse qui vous fait, sinon rêver – parce que le rêve c’est pour les autres – mais bander dur. Oui tout ça, et autres certitudes et truismes inoxydables, propres aux esprits en phase avec ce temps particulier de l’évolution Humaine.

Quant à la Connerie, comme Dieu (qui forcément en est le père!), elle a toujours été, elle est franchement, et elle sera inexorablement, de toute Éternité.

Et bien non, cette fois, je serai efficace comme un comptable, descriptif comme un pro du BTP, froid comme un winemaker Lapon, je serai au service éclairé du vin. Comme un oenologue, entre autres Bordelais, je ferai  mon pro” qui est allé tâté la grappe au travers des brouillards automnaux, là-bas, au bout des ceps de Lafaurie, dans un voyage au fil de la rivière…

Eh bien oui, en cette sinistre veille de Toussaint, sous les rideaux compacts d’une pluie froide qui vernissait la ville, Eric LARRAMONA (ça ne s’invente pas un nom pareil…), le sourire aux yeux, « décontrasté » et immédiatement amical bien que Directeur Général de LAFAURIE-PEYRAGUEY, nous a rejoints au Couvent des Recollets, siège « ordinaire » des dégustations orchestrées par le club AOC dont j’ai l’insigne malheur d’être le scribe très besogneux.

Lafaurie-Peyraguey, 1er Cru, est l’une des valeurs confirmées de l’Appellation Sauternes, 40 ha de vignes disséminées. Une surface moyenne dans la région Bordelaise. Le château, à la confluence de la Garonne et du Ciron subit les assauts des brouillards matinaux dès l’automne venu, lesquels conjugués à la puissance solaire de la journée permet au champignon magique de faire son grand-oeuvre. Botrytis cinerea, car c’est de lui qu’il s’agit, fond alors sur les Sémillons, Sauvignons et Muscatelles bien mûrs, concentrant les grains fragiles en agglomérats flétris et poussiéreux.

Souvent la grâce nait de l’infâme….

OUF, c’est fait!!!

Un gros effort pour moi, que celui de donner dans le dépliant technico-touristique. Vous dire aussi, et enfin, que les terres du Seigneur de Peyraguey descendent, depuis mille six cent et des…. en trois niveaux successifs de graves pyrénéennes, du Château vers les eaux. Que celui qui n’a pas compris s’en aille fûreter du côté de : http://www.lafaurie-peyraguey.com/

LES VINS :

2007 : Il a quitté, à regret, le ventre rebondi de sa barrique de mère, aspiré par une pipette indiscrète pour venir jusqu’à nous….Il aura fallu soixante vendangeurs et sept tries, pour enfanter ce millésime. Dur travail, qui ne donne, au bout du rang, qu’un panier de grappes ridées!!! L’or pâle colore à peine les joues de ce foetus anémié, qui pleure des larmes grasses sur les parois du verre. Le futur nouveau né est fermé et ne livre que quelques fragrances fermentaires, puis des notes de fruits jaunes, de raisin, sec et frais tout à la fois. Du nez à la bouche et l’affaire est tout autre. L’espoir d’un vin apparaît, le sucre est frais, parfumé à l’ananas, mentholé un peu, épicé d’une légère verveine. Le bois transparaît en finale, le rôti aussi.

2002 : La robe de ce « sous-estimé » est brillante, son or est moyen. Toujours cette fraîcheur au nez (le Botrytis concentre les sucres certes, mais l’acidité tout autant). L’écorce d’amande grillée, le Corinthe fin, s’élèvent en d’invisibles fumerolles. La bouche est droite, minérale, tendue, à peine adoucie par les rondeurs bien mûres de l’abricot juteux (encore l’abricot…) et des fruits exotiques. Comme une volupté de jouvencelle… Un régal en l’état.

2003 : L’ambre est dans le verre et le vert est dans l’ambre. Quelle liqueur! De longues jambes fuselées glissent paresseusement sur les parois, pour se fondre, dans un ralenti glycérolé, au disque rebondi… qui peine à épouser le calice. C’est une soie tendre qui emplit la bouche, qui frôle le palais en vagues réglissées. Ca explose, lave douce de noble botrytis, de tendre purée d’abricot, de fruits confits, de pain d’épices. Comme une chaude fraîcheur opulente et safranée qui n’en finit plus… La pierre pour conclure, très longtemps après.

2001 : Voici de l’or franc rehaussé de vert tendre pour la robe de ce millésime copieusement encensé. Ce soir la Diva est boudeuse, elle n’est pas prête à pousser son grand air. Elle minaude, la star capricieuse, et jette à peine, au nez de ses adorateurs transis, quelques notes de mandarine confite, de propolis timide, et de réglisse retenue. Une pincée de poivre blanc, comme une grimace gracieuse. En bouche, agacée par les bruits grossiers des rétro-olfacteurs maladroits que nous sommes, elle donne la leçon! Sa voix élégante, fine, tendue, nous enseigne la race et l’équilibre, en quelques notes fruités et fumées. Tout y est, mine de rien. Le café frais et la pierre brute sur le contre ut final…

1997 : Une pure lumière d’ambre jaune-vert, brillante et limpide. Telle, est teinte, la robe somptueuse de ce vin impressionnant. La puissance et la grâce réunies. Des notes pétrolées fugaces puis une verveine digne d’une vieille Chartreuse, de la figue sèche, du fumé grillé, de la… des… encore, ça n’en finit plus d’exhaler, je n’y arrive plus. Grasse, douce, puissante, soyeuse, fondue, toute en épices, en écorce d’orange confite, et voilà pour la bouche de ce grand vin. La finale, interminable, délivre de nobles amers frais.

1990 : L’âge de la majorité chez l’homme, du sortir des langes pour Lafaurie!!! La couleur de la robe rappelle les « facéties » du bébé : ambre orangé qu’égaie une lueur vert-bronze. Le nez ne se donne pas d’emblée, il faut l’attendre et l’aérer longtemps, l’oublier et le reprendre. Quant enfin il daigne, c’est à la rigueur toute minérale qu’il nous convie d’abord. Puis il s’adoucit, se civilise. Des notes épicées, fumées, fruitées, de menthe poivrée, d’agrumes, d’encaustique jaillissent du verre. La bouche est charnue, d’une grande finesse, toute de botrytis noble, de caramel au lait, et d’épices.

1959 : La robe de ce quinquagénaire est d’ambre et de ténèbre. Sous la lumière, des lueurs orangées et or l’éclairent. C’est la fleur d’acacia qui ouvre le bal, royal, de ce vieux vin ingambe. Lui succèdent le tabac – Virginie et Cuba pour une fois réunis – la réglisse anisée, l’orangette, la peau de noix fraîche… En bouche, le tertiaire pointe le bout de son âge, le cuir aussi s’acoquine. La matière est profonde, bien jeune encore, toute d’agrumes croquants et de fruits blancs frais. La finale est d’une belle amertume crissante, qui laisse en bouche comme une poussière de tanins.

Il pleut toujours et encore au dehors… «Il pleut sur Nantes, donne moi la main, le ciel de Nantes rend mon coeur chagrin…». Et moi, suis en vrac, à Cognac.

 

EBOMOTRYTITICOSÉENE.