NE LÂCHE PLUS MA MAIN …
La paluche de La De.
Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné – ©Tous droits réservés.
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J’ai couru sur les grèves, j’ai perdu ma vertu.
Dans les eaux tropicales, au tombant, la tortue
Nage la chamade, raide, demi vêtue,
Elle plane la naïade, comme mes espoirs. Pendus.
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Dans les eaux bleues si pures, les requins sont partout,
C’est l’heure de la pâture, ils tournent comme des fous,
Dogues rogues ou marteaux, sur leurs flancs de soie pâle,
Pleure le rémora aveugle. Suce les eaux.
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Sur les flancs des volcans, on dit qu’ils sont éteints,
Pauvres gens, vous n’avez jamais vu ses beaux seins,
A vous crever les yeux et fondre les aciers,
Comment ne pas s’éventrer, s’étriper. Or fin.
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Les beaux rapaces voraces, aux becs de pierres précieuses,
Leurs grands yeux arc-en-ciels, leurs courbes délicieuses,
Ils glapissent là-haut et je ne suis qu’un nain,
Leurs voix sont sirupeuses et leurs corps purs diamants.
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J’ai rêvé des siècles, attendu plus d’une ère,
Connu le meurtre, la ciguë, les bouches trop claires,
Dévalé les sommets, griffé aux bruyères,
Ne sachant qui j’étais, aveuglé aux chimères,
A l’aube comme à la nuit, planant entre les sphères.
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J’ai briqué les latrines aux cactus des déserts,
Sous les voiles multiples, j’ai parcouru les mers,
Accroché au mât lourd, nageant dans les eaux troubles,
Buvant tous les naufrages, et j’ai souvent vu double,
A frôler, à me fendre, aux vraies lames de jais.
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J’ai déchiré les hautes tristesses, ravalé
Les grands murs des enceintes, sous tous les soleils rouges,
Aux pieds des déesses noires je me suis prosterné,
Je suis mort mille fois, le cœur percé de flèches,
Os brisés, cuir cru lacéré, scalpe la peau-rouge !
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J’ai tué des bouddhas, émasculé des chats,
J’ai violé plusieurs fois onze mille vierges,
Et me suis repenti en avalant des cierges,
Je suis monté là-haut, j’ai déchiré des bas,
Vomi toutes les fientes des enfers. Bien puni.
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Ne lâche plus ma main, oublie que Dieu se fâche …
Avant que ces mains se croisent, tout n’était que chimère et fuite en avant. La Vérité enfin trouvée.
Non, il ne faut pas la lâcher cette main, qu’elle soit masculine ou féminine. L’illustration, après lecture du poème, fait monter les larmes ayx yeux.
Un parcours les yeux voilés puis une main qui ouvre le coeur. Le dessin est le dernier vers, les vies se lisent sur les peaux.
Quand une main nous tire de la folle solitude et qu’elle parle sans un mot à chaque cellule de notre être, il ne faut plus jamais la lâcher. La mort nous la fera lâcher bien trop tôt.
J’ai versé une larme chaude …
Ces mains, ça me touche très fort.