LA SUPPLIQUE A SUPPLY…

Gérard David. Ange de l’Annonciation.

 Oui…pour les chineurs de perles noires surtout. Tant pis pour 2011.

Concélébrons à nouveau et avant tous (c’est ça le chasseur de tendance) cette année encore proche qui voit Monsieur Eric vendanger le «Mourvèdre des Crouzets» 2007. J’ai eu beau scruter Gogol Earth en long en large et en relief, point de parcelle perdue sur les flancs du Baudile à me mettre sous les yeux. Appelé à la rescousse Géo l’hexagonal ne fit pas mieux.

Les «Commentateurs» étant immodérément issus du croisement hasardeux entre le Phaseolus communis Pritzel et le Phaseolus compressus **, je remercie à genoux le père fondateur qui me donna vie. Merci à toi, Ô César des mondes liquides, d’avoir permis à mes papilles curieuses de goûter cette bénédiction faite vin. Oui, sans toi ma vie eût été toute autre et la fadeur convenue des breuvages encensés par les prescripteurs installés, aurait sinistrement continué à réjouir mes tristes habitudes d’amateur ronronnant.

Voilà c’est fait. Si après ça je me fais virer, c’est à désespérer de vouloir jouer au Jack Lang des courtisans virtuels…

Or donc revenons à ce génial Mourvèdre.

Toujours et encore et pourvu que ça dure. Je m’en régale déjà en regardant l’œil humide de la bouteille opaque. De la bonne grosse boutanche à verre épais et large cul qui vous remplit la main d’un honnête homme. Lourde comme les seins d’Andréa Ferréol dans «La Grande Bouffe», mais en plus ferme… Un vin comme ça, jeune et de Baudile (Vin de Pays du Mont…) issu, va falloir l’aérer, le détendre, l’assouplir, l’apprivoiser, faute de quoi il va me faire son gros bourru boudeur, cul serré et tanins hérissés. Casanova devait être un fin dégustateur me dis-je, souriant, vieux matois, aux souvenirs exquis d’anciennes joutes et de récentes aussi, VdV oblige!!!

Vous allez vous dire, j’en suis sûr : «Il déraille encore plus que dab le vioque!!!(vocable emprunté au vocabulaire, d’ordinaire pauvre, du lecteur ulcéré). On lui a pas donné sa tisane et son bromure hier soir ou quoi!! C’est pas qu’il nous ferait une poussée hormonale éphémère et tardive??? Va encore falloir gober ses hallucinations, ses états d’âme, ses radotages, ses idées fixes???».

BEN OUI, il a eu fallu!!!

D’un coup sec et viril, à l’ancienne, le col du flacon bien serré entre les cuisses, j’attaque le bouchon. Ça couine un peu sous le sommelier. Normal c’est jeune, mais ça capitule de suite. Ça fait un joli «glop». sonore, net, sans chichi. Faut dire que c’est pas le genre vieille chochotte qu’a bourlingué dans tous les caboulots d’Amsterdam, mal conservée, qu’a eu chaud plus d’une fois et qui rend son bouchon quasi délité, dans un borborygme humide, comme une Bretonne qu’attend son marin de mari, plein hiver sur les quais de Paimpol *. Non, c’est un beau bouchon, cœur de liège, un vrai géant qui pète clair et qu’était encore bien au chaud dans la poche de l’Eric y’a pas si longtemps. Puis je verse dans le Spiegelau ventru un beau jus d’un rubis foncé, au cœur noir comme une haleine de dragon. Deux tours de poignet et le vin tapisse, une seconde immobile, les parois du verre avant que de se répandre en larmes grasses tout autour du disque. La pierre précieuse, aux reflets violacés, brille sous la lumière douce d’une lampe de bureau. C’est que ces jours-ci le soleil est en Afrique…

Sous le nez, des jardins. Dans les jardins, profusion de fruits rouges gorgés de jus. La rosée caresse la terre du Mont qui exhale ses senteurs humides, ses parfums de bois rares et les effluves épicées des poivriers avoisinants. Les épices douces s’enroulent autour d’une pointe de cannelle, d’un soupçon de vanille, d’un fragment de bois de réglisse et d’une goutte de jus de rôti grillé. Mélange des genres…

Et j’ai le nez ravi! Poussière sur le plumeau, le sentiment de humer la complexité harmonieuse d’une crème de liqueur. Usant de stratagèmes, je retarde l’instant de la rencontre. Dieu qu’attendre est exaltant. Comme il est doux d’avoir le pouvoir de se freiner. Au bout de deux jours quand même Chérie, je peux??? Oui viens, me répond dans un zéphyr odorant, le vin dont la surface ondoie sous le souffle de mon impatience. Mais qu’il est souple ce jus qui se donne tout en se retenant. C’est gras, tendre et serré à la fois. Une pelure de tanins mûrs et délicieux, un chocolat Grand Cru en bouche, fin, subtil, équilibré bien que du Sud (comme quoi y’en a qui savent faire…). La puissance est là cependant, contenue et s’exprime dans le registre de la subtilité plutôt que dans celui de l’esbroufe. En finale, le vin s’allonge indécent, en toute fraîcheur et installe sa réglisse épicée sur mes papilles turgescentes qui n’en finissent pas d’exploser…

14°8 parfaitement maîtrisés.

A la relecture je me dis que cette matière sauvage aurait tout aussi pu donner un bloc monolithique, indigeste, lourd et alcooleux. Il fallait savoir la lire et la dompter. Certes le terroir, notion dont nous nous gargarisons souvent, est importante sinon essentielle, mais sans la patte du vigneron…

Alors Monsieur Supply-Royer, je vous en supplie, ne changez rien à vos manières d’être et de faire, même pas les prix. Dix euros chez un caviste en ligne.

* Vous avez de la chance, je la vois debout, sinon…

** Le premier qui trouve gagne un Gaffiot hors d’usage…

 

EBEAUMODEALATIBAUCODILLENE.

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