COMME UNE BUCHE SOUS LA HACHE …

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Holbein. Self-Portrait.

CHAPITRE 8.

Josette avait jupe et jupon au-dessus de la tête, respirant à petites sucées courtes, elle attendait. Le temps semblait s’être arrêté, sa conscience, toute entière, suintait et imprégnait largement les bords fendus, à peine écartés de sa culotte de coton épais, les eaux parfumées de son désir affleuraient lentement, pour baver en minces filets clairs le long de ses chairs hérissées de picots duveteux. La porte de la grange bougea sous le vent, la lumière qui filtrait entre les planches embrasa son ventre détrempé, à l’instant où Kurt, d’un coup de rein brutal, l’embrochait au rebord de la charrette, la clouant comme une chouette. Elle le sentit, jusqu’au fond de son ventre, qui la déchirait presque, elle s’ouvrit plus encore pour l’accueillir tout entier, pour que sa présence turgide la comble, puis dents serrées et lèvres cousues, elle hulula longuement. Son cri, à demi assourdi par le vent qui gémissait entre les lattes de bois et les grincements tourmentés de la toiture, rebondit sur la poitrine velue de l’homme qui lui écrasait le visage. L’odeur forte de ce poitrail frisé finit de l’emporter bien au-delà de la lubricité, elle respirait à plein poumons, criant des mots sans suite, des mots de sang, des mots métalliques, des sons inarticulés plein de grumeaux et de voyelles mâchées. Dans son dos, le plat de la charrette lui brisait les reins, elle crut que les coups de boutoir du teuton allaient la couper en deux, comme il le faisait à coups de hache sifflants, avec les énormes bûches qu’il débitait dans la cour. Alors elle posa les mains sur le plat de la carriole qui la martyrisait, donna de toutes ses forces un coup de rein dans le ventre de l’homme, si puissamment qu’il recula un peu, tandis qu’il s’enfonçait en elle au delà du possible. Josette jouissait, se repaissait, s’esclaffait comme une hyène, sans discontinuer, plus ouverte que les bouches édentées des rosières à la messe, des étincelles multicolores crépitaient sous ses paupières crispées, elle suait abondamment, hoquetait, crachait à étouffer, la toison crépue de Kurt la chatouillait jusque dans sa bouche, ses hanches cognaient, synchrones aux siennes, elle ne savait plus qui elle était, elle pleurait et riait, la tête lui tournait, ça n’en finissait plus, c’était les flonflons de la fête foraine, la terreur délicieuse du grand huit, la barbe à papa qui fondait entre ses lèvres, son ventre n’était plus que bouillie consentante, elle devenait folle, s’ouvrait plus encore pour l’avaler tout entier à ne plus jamais le perdre …

Kurt se retira aussi violemment qu’il l’avait possédée. Surprise Josette rouvrit les yeux pour entrapercevoir, écarlate, le visage de l’homme, qui disparut aussitôt. Elle n’eut même pas le temps d’un soupir, les deux mains qui lui broyaient la taille la firent tourner sur elle même comme une toupie, elle se retrouva le nez contre le plancher du chariot. Elle sourit. Le choc lui érafla la joue quand elle fut durement empalée, le plaisir fut immédiat, elle gémit et se cambra autant qu’elle pouvait, contre les deux quartiers de sa lune opulente Kurt tapait de tout son poids, ses lombaires musclés par les lourds travaux poussaient autant que ses lourds soupirs. Sur son dos à la rupture, elle sentait la sueur de l’homme, en gouttes chaudes, grasses et musquées qui s’écrasaient. A mesure qu’il la rudoyait, sous ses paupières aveugles, l’image d’un pilon monstrueux, d’une emboutisseuse, qui frappait à coups redoublés des tôles rougies, à peine sorties des feux de l’enfer dans l’antre ombreux d’un Vulcain déchaîné, lui corrodait la rétine. Mais plus encore que les coups de massue qui lui brisaient les reins, au-delà des spasmes répétés qui lui mettaient les chairs en bouillie, les odeurs de ventraille tiède, de lièvre faisandé, de crasse capiteuse et de sang chaud, lui remuaient les tripes. Au bord de l’évanouissement, elle vomit longuement avec délice, tout en jouissant continûment. Le plaisir rebondissait sans cesse, de plus en plus fort, presque insupportable. Ses os fondaient, sa conscience déclinait, se dissolvait, elle crut mourir.

Kurt poussa une dernière fois, de toutes ses forces, se recula, inondant ses fesses qu’il écartait à craquer. Elle sentit sa semence bouillante couler entre ses cuisses jusqu’au sol, se retourna en glissant sur la paille gluante pour se retrouver face à cet homme qui ne la regardait pas, affairé qu’il était à s’essuyer à la flanelle de son jupon, elle baissa les yeux, surprise, sur l’endogé de petite taille qui pendait mollement, comme une nouille trop cuite entre les gros jambons blancs tavelés de son amant féroce. Une vague de tendresse la submergea, ses yeux se mouillèrent, son cœur battait fort, elle sourit niaisement et tendit la main, mais déjà le teuton la poussait vers la porte sans même l’avoir un instant regardée. Le lourd battant claqua dans son dos. Le vent avait forci, elle eut froid. Soudainement.

Alors Josette s’en fut en traversant le bois. Le ciel bas, grumelé de nuages gris, se mit à pleurer une pluie froide. Elle courait à petits pas pressés, les fesses serrées, essayant dérisoirement de retenir un peu de ce qui l’avait poissée, mais elle sentait que malgré ses efforts qui ralentissaient sa course, ça lui échappait. Et ça coulait entre sa peau et ses bas épais, et ça la faisait pleurer de ne pas savoir retenir ce cadeau d’amour. Alors au couvert des arbres, elle s’arrêta, trempée dedans, mouillée dehors, le nez plongé entre sa poitrine et sa chemise, à chercher l’odeur prégnante de l’homme, ce fumet encore chaud, qui mit un sourire de fleur fanée sur ses lèvres bleuies par le froid, sous les rus d’eau froide que le ciel généreux déversait sur elle. Le ciel pleurait parce que Josette n’y arrivait pas, et elle se disait qu’elle aurait peut-être bien pleuré si la pluie n’avait pas été si froide ce jour-là. Et que ce maudit vent l’avait mise dehors trop tôt, Kurt devait avoir eu froid d’un coup, il n’avait pas voulu qu’elle prenne mal et l’avait poussée d’un geste – il baragouinait à peine le Français – pour lui signifier, comme il le pouvait, d’aller vite se mettre au chaud. Oui, c’était bien lui ça cette tendresse bourrue. Ces pensées la rassurèrent, elle reprit son chemin le cœur un peu moins lourd et le ventre comblé.

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