La De fait son bestiaire.
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Dans son trou la souris, grise d’avoir trop bu,
A roté, titubé, les moustaches affaissées,
Le ventre distendu, comme une chambre à air,
Son poil est tout pelé mais son ventre velu.
C’est une souris grise, d’un ballon elle a l’air,
Son museau est flétri, ses yeux presque fermés.
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Dans le salon, pattes gantées, un kangourou
Repasse une chemise. A ses pieds ses petits
Font une ronde folle. Une vraie carmagnole.
Et le boxeur s’applique, plié sur ses genoux,
A lisser sa casaque, effacer tous les plis,
Au bal des champions roux, il ira faire sa folle.
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Le lapin du jardin s’active à la vaisselle,
Il frotte comme un fou, sous la mousse disparaît,
Les oreilles dressées, il fredonne un Cantique.
Son poil est détrempé jusque sous les aisselles,
Heureux, il chante, en sol, en la, en mi, en ré,
Si fort, très faux, à faire fondre l’antarctique.
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Dans l’évier exigu, un crocodile pleure,
Le lapin fesses rondes ferait bien son affaire,
Mais ses griffes glissent sur la céramique blanche,
Il croque une cuillère tâchée d’un peu de beurre,
Démolit un faitout de métal et de fer,
Se casse deux trois dents en moins d’une demi-heure.
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Un dinosaure ailé s’endort dans un fauteuil,
Il rêve d’être une fleur, au pire un papillon,
De boire du whisky, de fumer des cigares,
De faire des discours pour un sénateur con,
De trousser des guenons dans un hôtel d’Auteuil,
Le fauteuil écrasé hurle comme un plumard.
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Houlala, houlala, grogne un grand vautour
Perché en équilibre sur la bibliothèque,
Son haleine fétide a tué la souris,
Le kangourou tout roux a tourné tout autour,
Le lapin pas malin en a le poil tout sec,
Le dinosaure s’en fout, d’un coup il l’estourbit.
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Un babouin aux longs bras s’est habillé de neuf,
Bas résille, string à pois, cul rasé, œil brûlant.
Échappé du cauchemar d’un ivrogne, écroulé
Sur le zinc d’un bar à côté d’un jeune veuf.
Le grand singe au mirage équipé d’un gros gland.
La folie et les rêves, la peste et le pourpier.
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Dans la plaine du salon, rampe un long beau boa
Indolent, insolent, comme une force vive.
Il a vu le lapin, le kangourou va suivre,
Mais Dino s’est levé, sa grosse patte de bois
Écrase le constrictor. Pressé comme une olive !
Le zoo est complet, ne manque que la vouivre.
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La poupée de Rosine se coiffe les cheveux,
Se met du rouge à lèvres, boit un peu de thé vert,
Fait bouffer sa jupette, met du rose à ses joues,
Chante un air d’opérette, mais que cet air est doux.
Autour d’elle dans la chambre, la lumière réverbère,
Sur les vitres polies, le reflet des heureux.
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Sous la couette, un scorpion à demi affamé,
Ses mandibules claquent, le grand lit est désert,
Il déclame des poètes que nul n’a jamais lus.
Il s’équipe et s’en va, vivre en d’autres contrées,
Un courant d’air subît, par la fenêtre ouverte,
Le jette dans la gueule d’un molosse mafflu.
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Rosine ouvre la porte, elle revient du marché,
La maison est déserte, elle se met à pleurer.