C’EST BON, UN GRAND COUP DE MAILLET DERRIERE LA GLOTTE!!!

Van Gogh. Tournesols.

La première fois, c’était en 2004.

Après avoir tourné en rond un moment – faut dire que le sens de l’orientation n’est pas ma vertu cardinale – je m’étais arrêté devant le Domaine, à tout hasard. Heureusement que ce foutu «hasard» est une daube pour crétins. Pour les âmes errantes, qui volent au travers de l’intemporel à longueur d’infini, ça n’existe pas, Dieu merci!!!

Un gaillard, plutôt de chêne que de balsa, est sorti de derrière ses cuves, à petits pas précautionneux. Une tête de gamin costaud, le Nicolas Maillet, et une démarche de vieillard… ce jour là.

A la vérité, je n’avais pas téléphoné, je ne pensais vraiment pas verser du côté de Verzé. C’est dire comme j’étais dans mes petits souliers. Je l’abordai donc, et lui dis mes errements. J’accompagnai misérablement mes explications laborieuses, d’un de ces regards larmoyants, dont les caniches enveloppent leurs vieilles dames. Poli comme un vigneron qui sait, il m’écoutait le buste un peu penché, s’appuyant tantôt sur une jambe, tantôt sur l’autre, la main droite, appuyée sur les reins. A part la posture, rien à voir avec la Goulue… J’en revins difficilement, lorsqu’après cinq minutes, il remit son rendez-vous médical, pour m’ouvrir sa cave!!! La ronde enchanteresse des 2002 m’attendait. Des blancs purs cuves, comme ça… Moi, qui coulais tout juste de la Côte Orienne, ça m’a cloué sur place. Je goûtais et sifflais la pipette généreuse, oubliant un peu vite le crachoir, préférant celui de Nicolas, qui n’était pas avare…

Oui bon, ben… c’est bien beau de ramer sur son clavier, mais n’est pas Balzac qui veut les gars. Le corps a ses raisons, que la raison ignore… La chambre de bonne, la plume taillée – régulièrement ça fait du bien – la cafetière, les pages et les pages, allégrement descendues par l’ogre. Oui d’accord mais bon, j’ai faim moi, misérable petit tâcheron. Je croûte donc. Pourtant très vite, j’ai le regard attiré par le minuscule bout de jardin que j’aperçois de derrière mon assiette. L’après midi a été belle, en ce mois de Février, après les fortes pluies des derniers jours. La nature envoie dur. L’herbe s’extrait de l’hiver. Les pâquerettes, les fleurs jaunes, roses, bleues, tachent le vert majoritaire – de droite donc encore quelques temps – de leur irrespect salutaire. Merci la vie!!! Ça pulse à donf. Ça sent l’énergie à plein nez. T’imagine pas la force!!! Ces milliards de tonnes que la terre expulse, pure fertilité originelle. Waowww, de la centrale nucléaire à gogo, du pétrole à s’engorger les coffres, tout ça en silence, sans espoir de rapports ou d’intérêts. Le pur Amour, celui qui nous dépasse, qui nous fait pleurer sans savoir pourquoi, devant un paysage, en haut d’une montagne, devant les fleurs peintes par un rouquin maudit. La très grande classe, la vraie la seule, celle qui ne s’affiche pas.

Entre une poignée d’herbe et le tronc malingre d’un poirier des villes, passe en sautillant un merle. Oui, un de ces merles tout con, qu’on ne voit même plus. Pétrifiant de beauté l’oiseau. Une ligne si simple qu’elle en paraît évidente. Comme le jeu du Barça un soir de grâce. Noir c’est noir, éclairé par la touche effilée d’un bec jaune. A côté de ça, la Ferrari ressemble à une caisse à roulettes. Ça me fait penser au requin aussi. Ah oui les «pointes noires», ou «blanches» – à vot’ service – qui surgissent au détour d’un récif, pétrifiants de beauté glaçante, par trente mètres de fond. La rencontre furtive et effrayante de la perfection.

Pendant ce temps là, l’oiseau s’affaire. Simple l’oiseau, pas un de ces merles à Ray-Ban, pas un de ces merles «envuitonnés», «guccisés», enturbannés, comme ces précieux intemporels, qui traversent l’Histoire immuablement, à jamais falots et insipides. Pas un de ces «Lagermerles», indigne des plus tristes dénouements du dernier des romans de Huysmans, qui se haussent du col, sur les pages glacées de nos inconsistances. Non, un putain de merle simplement, mais un autre, que je reconnais à son bec presque orangé.

Salut l’oiseau, que ton plumage est beau…

Les 2007 sont rentrés il y a quelques mois. Je prends le temps de les «expertiser», un à un, tout cool. Il a encore progressé le Nicolas. De l’Aligoté au «Chemin Blanc», sur ce millésime pas facile, tout est bel et bien beau et bon, voire très. Pas un bout de bois pourtant, pour arrondir les angles.

Du raisin et des cuves.

Ça me fait penser à Steinbeck. C’est bête!!!

Le premier de la série c’est son Aligoté.

La robe est jaune, pâle, rehaussée de reflets verts. Le nez est très élégant, vibrant, pur, sur l’acacia, la pêche blanche, les agrumes, la banane mûre, le coing. C’est cristallin comme un Chardonnay du Jura!!! Une belle fraîcheur, autour de tout ça, qui fait saliver. La bouche est à l’unisson. C’est bon, poire, agrumes, citron, c’est puissant, vif. Ça se boit avec plaisir et gourmandise, et ça peut s’enchainer grave!!! Un vin qui rit dans la bouche. C’est long, fruité, frais. Un des tous meilleurs Aligotés de l’année.

Le deuxième est un Mâcon-Village.

Les jeunes vignes du domaine. Le nez est tout en subtilité. Sa finesse, de fruits blancs et de poire mêlés est délicatissime. L’attaque est franche, fraîche et fruitée. La matière est plus que correcte, élégante, en parfaite équilibre avec le nez. Belle finale revigorante.

Le troisième est un Mâcon-Verzé.

Le nez, ici aussi, se distingue par sa grande finesse. Fleurs blanches, et poire. L’attaque en bouche est franche, nerveuse, ronde à souhait. Le vin passe et vous fait sourire. La finale est tendue, crayeuse, fruitée; elle vous laisse les papilles propres, comme un Euro de petit porteur.

Le dernier est un Mâcon-Verzé «Le chemin blanc».

Le nez, fin et complexe, dévoile des arômes de pêche blanche, de poire, et de fleur d’acacia. La bouche est puissante, avec une bonne rondeur «roulante», qui s’installe et ne vous quitte qu’à regret. Finale sur des notes d’agrumes et d’anis. Belle bouteille, qui se dévoilera complétement dans un an ou deux

Une superbe série de vins sincères et droits. Rien, aucune intervention appuyée, ne vient altérer la qualité et le naturel des raisins. Tous sont à leur place dans la gamme et la justifient pleinement à la dégustation. Non, j’ai beau chercher, pas de fausses notes. Des jus cristallins, vibrants, purs, élégants, équilibrés. Inutile de vous parler des prix, cela pourrait donner des idées et des complexes (non je blague!) aux «Seigneurs, blasonnés de gueules d’Or en Côte, écartelés en Chardonnay et Pinot flamboyants

EMOUSMOTICONILLEE.

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