Littinéraires viniques » Christian Bétourné

ET RON, ET RON …

 

 

1380004_10200730257844315_973619571_nIllustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

 

Il pleut, il pleut bergère,

Et ron et ron,

Pauvre petit con,

Il pleut, il pleut bergère

Jusque sur tes nichons

Tout ronds,

Jusque sur tes pompons

Grognons, Lison …

 ———

Sur la grève allongée,

Ma fée, ma fée,

Toute chamboulée,

Tu planes toute éveillée, veillée,

Entre tes jambes entrebâillées,

Te voilà toute mouillée,

Tralala, tralalère

Il pleut, il pleut Bergère …

———-

Alors tu te relèves,

Quand ta lune se lève, lève,

Le vent sur la grève,

Voilà qu’il a soufflé, soufflé,

En rafales frissonantes,

Douces, fraîches, elles filent,

Entre tes lèvres l’alguazil

N’a pas pu se cacher, Armante …

———-

Au loin, trop loin,

Et tsoin et tsoin,

Il court, il court, le furet,

Le furet du bois rasé,

Il est parti dans son lit, son lit,

Se coucher, pauvre abruti, meurtri,

Sa pelisse toute lisse,

Et tes yeux d’améthyste, tristes, Clarisse …

———-

Ainsi va la bayadère,

Lalère, lalère,

Ronde comme un gruyère,

Et ses pompons renflés,

Pleurent de tout leur lait,

De tout cet amour gâché,

Olé, olé,

Sur le sable abandonné, Circé …

———-

De Nantes à Montaigu,

La digue, la digue,

Poires, melons et figues,

Font la ronde, en chantant,

Tout autour tirecul, tirecul,

Le pèlerin au dard aigu,

Trace la route, seul et nu,

Ah ! Ta coquille fessue, Lulu ..

 ———-

A ta claire fontaine,

Ma reine, ma reine,

A se désaltérer,

Tête basse et poings serrés,

Il ne peut que hurler, rêver,

Alors il tourne et vire,

Elvire, Elvire,

Comme un raton rôti, Lili …

———-

Il pleut, il pleure bergère,

De lourdes larmes amères,

Qui roulent sur tes flancs,

Jusqu’à mon cœur si blanc,

Ô ma lyre, tralalire,

J’ai vécu le martyre,

Un mirage, un respir,

Au revoir les soupirs, Elvire …

———-

La morale de cette histoire,

La poire, lanloire,

C’est que le temps perdu,

Glandu, glandu,

Des amours illusoires,

Ainsi font, font, font,

Pommes, pêches, citrons,

Est tombé dans la glu, Ciguë …

 

PAUVRE LAPIN FOOL …

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Un câlin cool

Avec un lapin fool

Qui rit en silence,

Te pousse et se lance

Entre tes reins,

S’en va et s’en vient,

Fleurit son romarin,

Sur le jasmin

De tes seins …

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Et ta bouche de houri

Se pose sur ma main

Griffe, gratte

Et grogne, rogne

Sous le bout de ma gratte,

Voluptueuse ratte,

Et voilà que ma pogne

Caresse la souris

Sans attendre demain …

———-

Tu roules et tangues,

Sur ma langue

Tu t’ébroues,

Te rebiffes

Et me secoues

A grands coups,

Quand j’ose

Pousser la chose

Jusqu’au bout …

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Sur tes seins ronds

Qui baillent à la lune,

Accrochés à ma hune,

Deux pompons roses

Clignent des yeux,

Quand je crie et houspille,

Je frémis et tressaille

Tout au fond de tes entrailles

Moi, la dernière des racailles …

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A fendre ta broussaille

Je m’évertue, dans ma glu

Scintillent les étoiles,

Dans tes yeux qui se dévoilent,

Sale gueuse dépoitraillée,

Et les melons tressautent,

Mûrs, au jardin des rocailles,

Alors, je te regarde au fond,

Et ripaille pour de bon …

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 Tes pompons tout énervés

Se mettent à gonfler,

Fragiles, et tout enflés

Comme deux baudruches

Ballantes au ciel d’été.

Tu es mon autruche

Aux plumes tremblantes,

Ma belle énamourée,

Et ta peau de perler,

Fille de peu, ma fée …

 ———-

Je t’aime à en crever …

 ———-

Sur la grève déserte,

Je me suis réveillé,

Mon cœur à marée basse,

Sinistre connasse,

S’est arrêté,

Le sable l’a grippé,

Et ton corps d’organsin,

Tes hanches de bonasse,

Et tes reins, ton cœur, tes seins,

Se sont envolés …

———-

Et roule la houle,

Pauvre lapin fool.

A SE CREVER LE FION …

Dans le creux de tes hanches

La clarinette pleure,

Passe le temps,

Sonnent les heures …

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 Haendel, au moins,

En pleine sarabande,

Susurre si loin,

Las de t’entendre …

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 Sur la grève de nuit,

Dans le vent tiède,

Les flots marris,

Caressent ta pinède …

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 Invisibles et lents,

Dans l’ombre de la lune,

Planent les goélands,

Qui rasent la dune …

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 Le cœur à l’arrache,

Les chairs à pâmer,

Pleurent des haches,

Larmes rouillées …

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 Crèvent les yeux,

Saigne la lune,

Tout autour d’eux,

Sinistres lagunes …

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 Triste à périr,

Cœur à vomir,

Décolle mésange,

Viens t-en bel ange …

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 Ailes déployées,

Coeur en collier,

Libère toi,

Vole, crache ta joie …

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 Sur les pentes arides

Des volcans en furie,

Agrippe la bride,

Oublie les cris …

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 Renverse les montagnes,

Et tes frusques au feu,

Quitte ce bagne,

Arrache toi les yeux …

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 Sous la peau bise

Rôde la mort,

Le cœur se brise,

Se fanent les ors …

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 Ce soir la mer d’argent,

Ondoie sous la risée,

Comme les cœurs changeants,

Et les rêves brisés …

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 Pauvre Martin

Qui hurle et geint,

Pauvre chouette,

Sous sa couette …

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 Alors, de toutes parts,

Blêmes et épars,

Ils hurleront,

A se crever le fion …

TA HANCHE, HUMIDE DE MA JOUE ….

Dans le creux de ta hanche,

Le grand tournesol

De ma vie folle,

Dans l’ombre de ta hanche…

—-

Dans le creux de ta hanche,

Mes nuits passées

A te rêver,

Dans le grain de ta hanche…

—-

Dans le creux de tes hanches,

Mes mains serrées

Comme des crochets,

Dans le deuil de tes hanches…

—-

Dans les creux de ta hanche,

Coulent les larmes floues

D’un oiseau fou,

Dans les plumes de ta hanche…

—-

Dans le creux de tes hanches,

La bile verte,

D’une vie qui se vomit,

Dans le linceul de tes hanches…

—-

Dans le creux de ta hanche,

Les humeurs tièdes

Des amours blettes

Dans le spasme de ta hanche…

—-

Dans le creux de ta hanche,

Mon lent désir,

Comme un zéphyr,

Sur la peau de ta hanche…

—-

Dans le creux de ta hanche,

La pente douce

Des pamplemousses,

Dans le val de tes hanches…

—-

Dans le creux de ta hanche,

Les grains qui coulent

Comme une semoule

Dans le creuset de ta hanche…

—-

Dans le creux de tes hanches,

Les sanglots lourds

D’un amour fou,

Dans le calice de tes hanches…

—-

Dans le creux de tes hanches,

Les eaux fortes

Des amours mortes,

Dans la coupe de tes hanches…

—-

Mon coeur se vide

Entre tes hanches,

Dans la nuit blanche…

A l’abri de tes hanches…

—-

Dans le creux…

Au fond de…

Dans..

ACHILLE, D’AIRES EN STATIONS …

botticelli_christ Botticelli. Christ. Couronné d’épines.

 

Achille s’en est allé.

Au sortir du pavillon, sous la pluie plus battante que son sang, au pied du grand arbre, Oscar le regarde. Rien jusqu’à ce moment ne l’avait arrêté, personne ne l’avait ému, aucun regret ne l’avait traversé, dur comme un acier trempé par la pluie, les larmes séchaient au fond de lui, mortes nées. Mais les petits yeux noirs de l’écureuil, perdus sous les poils, l’ont dévasté, avant même qu’il comprenne, il est en eau sous l’averse, mouillé dedans-dehors, tout l’amour de ce monde en déliquescence l’assaille et le transperce. Oscar ne bouge pas, Achille fondu non plus. Pour ne pas s’effondrer, il s’assied sur le capot de sa voiture, bras ballants, dos voûté, bave et crache pour ne pas hurler, alors Oscar en deux bonds est à côté de lui perché sur le capot, Achille enroule son manteau autour de la boule de poils hirsutes, comme ça, sans réfléchir, pour le protéger, et bafouille des bulles d’excuses, son nez coule, l’eau lui glace le dos, brouille son regard. La honte le submerge plus encore que la pluie qui redouble. Derrière les portes de verre brossées par la buée, ils se sont agglutinés, une vraie concentration de limaces apeurées, tous ou presque. Olivier, mufle écrasé sur la vitre, mains écartées, suantes de crasse, Élisabeth et son baise en ville rouge serré entre ses bras de langoustine, un boa violet déplumé, comme une corde de pendu, enroulé autour du cou, et les autres à l’arrière plan, à demi mangés par la pluie, visages déchirés par les gouttelettes qui roulent en rangs hasardeux sur cette transparence de verre qui les sépare, et qui vibre sous la poussée d’Olivier.

Le monde est lys de pluie maintenant, le ciel a disparu, sur le bitume et la pelouse proche, naissent et meurent à toute allure des bulles éphémères, minuscules, opulentes, ternes, moirées, qui claquent comme des coups de fouet sur les tôles des bagnoles ruisselantes. Achille ne perçoit plus les reliefs, les eaux massives dessinent un monde en deux dimensions. Oscar, bien à l’abri s’est ébroué, sa pelisse ébouriffée retrouve son volume, on dirait qu’il sourit. Achille, nuque ployée, lessivé, ne bouge pas et s’évertue à protéger l’animal. Autour d’eux, le paysage, sous le manteau blanchâtre et liquide qui n’en finit pas de nier le monde, est lessivé, seules les notes du xylophone céleste qui martèlent la ferraille, résonnent plus fort que le tambour du cœur têtu d’Achille qui ne veut pas mourir. Comme un signe des Dieux rageurs. Loin, si proche pourtant, dans le petit matin glauque de cet hiver finissant, contre le flanc osseux du flûteur assoupi, Sophie, le regard fixe, se caresse et se caresse encore, à ne jamais s’arrêter, à ne jamais redescendre dans le monde ordinaire des âmes endormies. Sous ses paupières douloureuses, elle ferme un instant les yeux, les images se bousculent, dans ses membres relâchés, l’amour, comme un torrent de montagne, aux eaux fraîches et cristallines, n’en finit pas de sourdre à son delta … Mais elle ne reviendra pas. Au même instant, sous son pardessus percé, Achille à frémi. Oscar d’un bond gracieux, en deux rebonds élastiques a disparu sous les fourrés. Sur la porte vitrée du pavillon « C », le sang qui peint les lèvres molles d’Élisabeth a dessiné l’ébauche d’un cri.

Le ciel s’est ouvert, le relief est revenu, le paysage noyé défile, Achille, en pilotage automatique, heureux comme le kleenex souillé sur le ventre de Sophie, efface la route qui fend les terres comme une lame sale, et lui crève les yeux. Regard fixe, visage fermé, sur ses joues creusées le sel de ses larmes s’est figé. Le vent s’engouffre par la fenêtre largement ouverte, l’air frais lui brûle la peau et dissipe les dernières odeurs de l’institut. Les images s’envolent comme des souvenirs à ne pas garder, Marie-Madeleine, en montgolfière épanouie, s’élève dans le ciel pour se perdre dans la stratosphère, les autres, en vrac s’effritent, poussières au vent du temps révolu. A cent soixante à l’heure, Achille est à l’arrêt. Et pas besoin de remuer la truffe pour savoir qu’il ne sait plus. Un instant il cultive l’espoir imbécile d’un voyage éternel, puis cherche un pont très haut, duquel il pourrait se jeter en défonçant la rambarde, histoire d’assurer l’éternel. Mais l’A1 est affreusement plate, aussi plate que son encéphalogramme, cet après-midi là ! Alors il ralentit et se met à rouler au pas, ce qui déclenche les avertisseurs enragés de tous ceux qui le doublent en trombe. Achille est aux anges quand deux motards de la police routière l’interceptent. Avec docilité, il obtempère en souriant gentiment, il écoute, le regard attentif mais l’esprit déconnecté, la leçon qu’il lui font, et hoche la tête, plus soumis qu’un caniche à ses maîtres. Envie de se dresser sur ses pattes arrières et de japper joyeusement, mais il se contient !

Puis il poursuit sa route d’escargot, flânant, pour autant qu’on le peut sur les lignes droites sans fin qui remontent vers le nord. Il s’arrête à chaque station service, boit de l’eau et encore de l’eau, observe les voyageurs engoncés dans leurs vêtements chauds monochromes, fronts bas et mines blêmes, occupés, accoudés aux tables hautes, à dévorer, mâchoires saillantes, des sandwichs mous et sans goût, arrosés de cafés amers qui coulent à longs jets bruyants des fontaines modernes aux couleurs électriques. Il revoit les tableaux de Hooper à la sauce européenne et rit, d’un rire aussi jaune que les lumières artificielles de sa vie en suspens, perdu, complètement perdu dans ces oasis factices. A chaque halte, il tourne en rond sous les néons violents qui lui rougissent les yeux et lui verdissent le teint. Comme un Christ de pacotille, abruti et souffrant, il multiplie les arrêts, et vide sa vessie douloureuse dans les toilettes aveuglantes, carrelées de blanc, des stations services, ou bien, sur les aires désertes, dans la semi obscurité des pissotières glauques, tout en fumant des clopes qui lui arrachent la gueule, paupières closes et cœur cognant. Achille s’est perdu, la nuit est tombée, et le chemin est long encore, si long, entre l’institut et la vie qui l’attend.

 Peut-être …

Achille le dissocié, le visage entre les mains, quelque trente ans après cet épisode de son passé, somnole dans la nuit, sous le halo opalescent de sa lampe, accoudé au cuir de son bureau. Étrangement, le temps, cette nuit, s’est ralenti aussi, il lui colle à la peau comme une pâte molle, et les bruits ordinaires de la nuit se sont tus un long moment. Il lui faudra, une fois encore, retrouver le présent implacable, l’amble immuable des secondes à l’horloge, derrière le cristal de son verre, inscrit dans la chair grenate du vin, qui patiemment l’attend. Une belle syrah aux hanches rondes s’épanouit dans le large cul du verre, une Côte Rôtie « Maison Rouge » 2006 du Domaine Duclaux, silencieuse et patiente. Achille s’y plonge, narines offertes aux senteurs à venir. Du disque sombre aux bords violacés, s’élèvent en effluves invisibles, des fragrances gourmandes de fruits rouges dans leur corbeille d’épices, de jambon cru, d’olive, fondues, fines, complexes, crémeuses et salivantes. Comme un vent odorant venu des terres penchées du Rhône septentrional, qui lui lave l’âme. Le jus, tout en douceur lui caresse la langue et fait le gros dos, comme un chat au réveil, puis il libère ses fruits frais, épicés, qui s’étalent et le comblent, lui remplissent l’avaloir longuement, avant de glisser, soyeux, dans sa gorge, pour lui laisser en bouche le souvenir prégnant de leur chair tendre et goûteuse. Les yeux fermés, revenu du voyage, de son chemin de croix profane, il savoure longuement les tannins polis, mûrs et parfaitement fins, qui lui laissent langue fraîche, poivrée, légèrement pimentée …

 Comme un sang rédempteur,

 Le jus des vignes

A fait son office …

EENMOTRETIDEUXCOVIESNE.

ACHILLE SOUS LES SABOTS DU DIABLE …

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ACHILLE resta un bon moment immobile …

Déplumé, harassé, lessivé, cuit sous la braise, vidé, exténué, abruti de fatigue, un sourire las sur les lèvres, le corps flapi, l’esprit embrumé, la peau collante, encroûtée, gluante par endroit, le cœur éteint, sidéré, absent. Il s’était réfugié tout au fond de sa coquille, emmuré, enkysté, aveugle, insensible, pour ne pas pleurer, hurler, se déchirer à coups de rasoir. Saigner vraiment, se vider une fois pour toutes et finir décharné, exsangue, plus encore que cette dernière nuit. Se faire lui même ce qu’elle lui avait fait, aller jusqu’au bout de cette logique sanglante et dévorante, en se dévastant de l’intérieur, en se suçant jusqu’à la dernière goutte de moelle visqueuse, poser l’étoile de mort qui navigue dans la mer défunte de son âme, à même son ventre flasque, comme une évagination destructrice qui le ferait souffrir à hurler en déversant ses acides corrosifs sur cet amour perdu. Jusqu’à ce que ses os, sa peau même, disparaissent en grésillant du monde des vivants …

Sous le sabot crochu du diable grimaçant qui mène cette sarabande mortelle, l’ange, le souffle coupé, est vaincu. Le diable au mufle pustuleux des frustrations accumulées, hurle la haine de la vie, son souffle putride le met à vomir. A longs jets puants, glaire verdâtre et grumeaux jaunâtres, jaillissent à longs sanglots de sa bouche distendue. Sur les crocs sanglants du monstre ricanant, la lune se mire, dans le ciel de mars le vent hulule, et charrie en troupeaux épais et furieux de lourds nuages de crème noire. La nuit est à l’agonie. Puis Sophie aux formes décuplées, à la peau diaphane, au cul de volcan globuleux, envahit l’espace, échevelée, ses seins énormes grouillent de vers bruissants, ses yeux immenses, fiévreux, roulent des larmes de sang épais, elle sourit étrangement, mauvaise et tendre, bave et crache un flot d’étoiles noires et coupantes qui lui cisaillent la carotide. Le sang jaillit jusqu’au profond de l’espace. Entre ses mains crochues dont les ongles pointus rutilent, elle tient l’araignée de toutes les souffrances d’Achille, elle la broie, l’aranéide couine et se débat en vain, puis elle la croque et avale sa soupe chitineuse. Le vent souffle dans ses cheveux, autour de son visage effrayant, ils se dressent, épaisse broussaille vénitienne, comme une couronne de serpents. Elle est Lilith fécondée par Méduse. Elle vocifère des mots inconnus, des mots de silence, de renoncements impossibles, tranchants comme des lames, qu’il n’entend pas. Une dernière fois, elle se penche vers lui, plonge ses bras dans son thorax béant, arrache son cœur ruisselant et vermeil, qu’elle avale en riant affreusement. Achille suffoque et se débat dans son sommeil, se retourne d’un bloc, griffe les draps et mâche son oreiller trempé, il sursaute à nouveau et s’écrase sur le sol glacé de la chambre.

Sur les dalles, humides de sa sueur aigre, il se réveille, surpris, ahuri, complètement perdu. Comme un vaisseau échoué sur les hauts fonds qui coule lentement, il tressaille, les membrures douloureuses et la carcasse moulue. Sous son crâne meurtri, aucun bruit, l’araignée se tait, sous ses paupières closes, lavées par les marées de la nuit, la mer étale, d’un bleu paisible, roule ses vaguelettes cristallines en flux et reflux apaisants. Le ciel céruléen est pur, une brise légère frise les flots calmes. Le sable fin est plus immaculé qu’au commencement du monde. Tout est si beau, si parfait, si doux, qu’Achille s’effraie un instant. Il s’ébroue, bat des paupières, rien ne bouge, rien ne change. Il se lève lentement et plonge dans les eaux fraîches et lustrales, nage au loin et nage encore, s’enfonce sous les flots, yeux grands ouverts. L’onde le lave, le régénère, devant lui dauphins et sirènes lui ouvrent le chemin. Tout en ces lieux est vraie volupté, équilibre parfait et harmonie tendre, délicate, émouvante. Entre les longues algues vertes et dansantes, il nage au cœur de la beauté, traverse des bancs soyeux de poissons multicolores habillés de rouges profonds, de jaunes vibrants, de bleus électriques, vifs, synchrones, ne faisant qu’un. Au fond d’une grotte lumineuse, Sophie lui sourit, pleure et demande pardon, il voudrait bien mais ne peut pas. Alors sa vue se brouille, les vagues se déchaînent, les eaux se troublent, Baphomet a tué le démon, mais il écrase encore l’ange sous la corne fourchue de ses pattes difformes. Le temps du grand œuvre n’est pas encore venu.

Achille est revenu du monde des mystères, s’est assis sous l’eau chaude de la douche, a fait la boule, tête entre les genoux, bras repliés, conscience sourde et lèvres scellées. Puis s’est habillé de beau, a déjeuné à satiété, s’est levé, est entré dans le sanctuaire défendu des infirmières qui n’ont pas eu le temps de piper, à ouvert la porte du saint des saints psychiatrique, a regardé Marie-Madeleine interloquée droit dans les seins, a sourit tandis qu’elle tentait de bafouiller quelques mots indignés, et a lancé d’un jet tout chaud, « Putain, vous êtes belle, vous aller manquer à mes nuits, à mes rêves, à ma queue qui a brûlé tout ce temps de vous baiser jusqu’à l’os, j’ai décidé : Je m’en vais … ! ». La psy est restée bouche ouverte, pupilles dilatées, sa bouche pendante et ses lèvres charnues, humides de surprise ont donné des idées à Achille, qui a rit. De bon cœur. En ce 11 Mars, jour de toutes les catastrophes passées et de Fukushima venir, malgré les arguments fades de Marie-Mad, poliment écoutés, le regards fixé sur ses mamelles à dévorer cruellement, ses chairs pâles grivelées à pleurer, ses cuisses rondes gaînées de soie fragile, sa jupe, au ras des ombres prometteuses entre ses superbes cuisses gonflées de vie, Achille n’a pas bronché, s’est sucé le majeur en soupirant, puis est sorti sans un mot de plus. Le lendemain, il a signé d’une main agile, sans hésiter, la décharge demandée, a posé ses bagages à l’entrée du pavillon au moment où Landonne entrait. Qui a sourit aimablement. Achille lui a tendu un billet qu’elle a prit, puis la main qu’elle a serrée franchement dans sa pogne courte et forte. A la gare les encapuchonnés tournaient comme à l’habitude, en traînant leurs savates à pas de prix, le regard torve et la bouche tordue, prêt à gicler au moindre regard croisé. Le suppositoire est parti vers Paris, rempli à ras bords de sacs de viandes éteintes, puantes, fatiguées, serrées les unes contre les autres.

 La vie reprenait le cours ordinaire des insignifiances …

Cette nuit d’Août, Achille le désagrégé ne s’est pas couché, il s’est assoupi sur le cuir odorant de son bureau, jusqu’à ce que dans sa tête la cloche compte minuit et le ramène à la surface, le désenglue des souvenirs méphitiques dans lesquels il s’était enfoui corps et âme. La carafe au large cul hottentot, au long col de cygne blessé, parois embuées comme une haleine hivernale, luit sous la lampe. Elle est là, patiente, devant le nez d’Achille, pleine d’un vin de miel aux reflets de bronze, un de ces Mâcon-Pierreclos que le monde nous envie et qui fait depuis des lustres déjà le bonheur d’Achille. C’est que Jean Marie Guffens est un artiste du vin, un vinificateur subtil dont les liqueurs tutoient l’olympe. Et ce « Tri des Hauts de Vigne » du millésime 2007, sera, Achille en est certain, à l’égal de ses frères Gufféniens, pur cristal, vibration haute, fleurs et fruits en majesté, pêche mûre, abricot fondant, miel frais, pointe discrète de gingembre confit, jus rond, rehaussé par la fraîcheur du millésime, boule de fruits fondus, un délice, juste gras, qui remplit le gueuloir jusqu’au bout du bout, avec ce qu’il faut de tension pour terminer en totale érection et emmener les papilles à l’orgasme vinique. Élégance, finesse, noblesse, un velours de vin qui n’exclut ni richesse, ni fraîcheur et qui met en pâmoison le vieux dégustateur de nuit, seul, au cœur des ombres de son passé. Et le vin le lave, lui redonne vie …

 Ange, Diable,

Baphomet,

Qu’il ne sera jamais,

Et Sophie,

 Dévoreuse

 Et goulue,

Qui jamais plus,

 Ne reviendra,

 Turlututu,

 Et gueule de bois …

ESIMOLASTISECONE.

A TOUT JAMAIS …

Venusopulente,

Lasseetpurulente,

Auxcerisesjuteuses,

Quicraquentsousmadent

Jet’aimetantalanguie,

Rêveusecruellequel’absenceexaspère,

Quimelaisseausilencedemesfouguesinutiles.

Atrocefoutrasseauculdargentsali,

Jeteconchiemonamourtrèstropchéri,

Danslabouelagadouedetesdésirsmuets,

Jemeroulemafangeadorée.

Tuleforcesàsemouillerleglandsurlesportesdetaportetrempée,

Tutesêchespourqu’ilsentebientesparoisderoseéclatée,

Tuserresàmortmabitentretescuisses,

Serreatonculaussisalopeextasiée

Yeuxfousécumantedelaboucheetducul,

Pendantquemesdoigtssontgrasdetamouillequibafouillesachanson

Prendsmoitoutaufond.

Derrièretoitamainserremabite

Quisétrangleetquicriesanglotedeslarmesd’opale.

Arrêtetortureatrocemanquecruelragej’écume,

Désirlavebrûlantecoeurenfeubitesurtabouche,

Quilèchelesdoigtsquitournentsurtamoulehurlante,

Oùkaoùkakaoùkaoùkanoùjamaisjamais,

Jaimeraisqueouifaischiertoimadure,

Enviedesaloperiesavectoiquiritdemesmotssalis,

Tufaistaputeauxyeuxhardis,

Sourireéquivoquegestesosésboucherouge,

Provoquemoiavectesyeuxtesseinstabouchetamoule,

Quiroulesouslahouletonculquiondulesousmonnez …

Ronron

C’est bon,

Lilou

C’est tout

Doux,

Au fond

De ton trou.

Où ma peine

Hiberne,

A tout jamais …

ACHILLE ET LE FESTIN DE SOPHIE …

le-festin-femme-femmes

ACHILLE a fini par tomber …

Dans le fond du trou de la mort approchée, dans un mercure fondu, il est anéanti, tout près de la camarde dont il sent le fer lui caresser la joue. Tombé dans l’érotisme glacé d’un sommeil délétère, à mi genoux dans les flots noirs du Styx, il caresse les flancs de la barque, sent le souffle froid qui l’étreint, lui gèle les reins, dans sa poitrine les battements de l’horloge liquide ralentissent, s’épaississent, son sang circule à peine, c’est doux, reposant, Charon, patient, lui sourit. Dans sa chambre, silencieuse et obscure, la soie d’obsidienne de la tueuse le frôle, il gît sur le dos, un sourire étrange flotte sur ses lèvres, si pâles, sa peau grise, il respire, mais si peu qu’on pourrait le croire parti. De guerre lasse, lentement, Achille lâche prise … Et se vide comme une viande avariée.

Le pavillon « C » est parfaitement silencieux, Olivier ne hurle pas, Élisabeth non plus, aucun glapissement ni bruit de pas traînants autour des toilettes, pas de souffles rauques, de sifflements aigus, nulle poitrine ne s’exprime, les corps des barjots recroquevillés dans leurs lits de souffrance semblent morts eux aussi. Oscar, perché sur une haute branche du pin échevelé qui surplombe le bâtiment, regarde l’étoile noire tombée dans le parc, avec ses larges baies éteintes aux yeux blanchâtres de poisson mort. Étale, flasque et immobile comme une astérie en décomposition.

Dans les couloirs déserts, au sortir des douches, une ombre s’est glissée. Sans bruit, pieds nus, elle se déplace, sûre de ses pas, furtive, souple, légère. Accroché à son épaule gracile, un lourd sac balance. Au passage d’une fenêtre, son ombre opaline dessine sur le mur du couloir, le temps d’un battement de cils, l’esquisse d’une ballerine gracieuse, pieds agiles, déformée, un peu menaçante, mais belle, aux attaches si fines qu’elles semblent sur le point de se détacher de son corps. Ses doigts d’ombre distendue, comme des rasoirs miniatures, ont un instant griffé les murs. On pourrait presque entendre, en tendant bien l’oreille, le bruit de ventouse mouillée que font ses pieds blancs sur le carrelage froid. Elle s’est arrêtée devant la chambre d’Achille, elle respire à petites goulées, longtemps, sa main a saisi la poignée de la porte, qu’elle tourne au ralenti, puis entrouvre le battant. Achille a frémi quand une onde a irisé sa peau nue, il est remonté des abîmes où il avait chu comme une pierre molle. Dans la lumière grise qui sourd de sa porte entrebâillée, la silhouette noire qu’il devine lui coupe le souffle, la résignation gluante dans laquelle il baignait reflue. Comme un mineur harassé, noirci par ses ténèbres, qui remonte de ses profondeurs.

 Se pourrait-il que ce soit … ???

Ce soir, pendant le changement d’équipe, au juste moment où les filles se croisent, quand les veilleuses de nuit et les infirmières de jour se passent en papotant les consignes, Sophie s’est glissée, si vivement que nulle ne l’a vue, entre les portes de verre du pavillon. Puis elle s’est enfermée dans les douches au fond du couloir, a refermé la porte d’un box, s’est accroupie, son sac entre les jambes, a fermé les yeux, séché ses larmes, attendant que le calme s’installe. Des eaux translucides et grasses ont coulé de ses yeux clos. Sous ses paupières humides, elle semble prier. Sophie se prépare, une dernière fois.

Au festin …

C’est bien elle, il en jouerait son âme. Achille, à demi pétrifié par les battements affolés de son cœur qui cogne violemment dans sa poitrine, n’en croit pas ses yeux. « Putain, je rêve, je deviens fou, je ne veux pas, je ne peux pas le croire … ! ». Alors, sous un couvercle brûlant, il tente convulsivement d’étouffer espoirs et désirs, il se cabre à se briser le dos, les mains à demi fondues, tendues vers la porte entrouverte, comme s’il voulait repousser au fond des enfers cette vision qui l’épouvante. Et pleure comme s’il montait à l’échafaud. Implore les anges absents, sanglote à gros bouillons gras, le visage couvert par la morve qui dégouline de son nez, de sa bouche, l’aveugle, et l’étouffe. Sophie a ouvert son sac au pied du lit, s’est penchée sur lui et a posé un instant ses mains fraîches sur son visage grimaçant, puis elle l’a longuement léché, comme une louve son petit. Elle pleure doucement. De ses lèvres coule un chant doux, apaisant, une étrange mélopée tendre et rauque à la fois, et cette liqueur de notes en pluie argentée, remontée des temps immémoriaux, dépose sur leurs visages un baume salé, émollient, qui les apaise tous deux. Achille, un long moment, a pris entre ses mains le visage de Sophie dont les lèvres frôlent sa bouche. Leurs souffles synchrones abolissent le temps, effacent l’espace, comme s’ils tissaient un invisible cocon revivifiant, leurs lèvres humides se caressent lentement, leurs langues s’épousent, s’avalent dans un long baiser dévorant.

Sophie s’est relevée lentement, d’un geste de l’épaule, elle s’est dégagée de ses tissus légers qui plissent à ses pieds comme des parachutes de soie froissée. Elle a étalé au pied du lit son trésor de victuailles, les aligne en ordre parfait, se relève, étalant à large main sur son corps nu, une couche luisante de beurre frais. Un rayon de lune l’éclaire, elle brille comme une brioche gonflée au sortir du four, ses seins fruités et ronds, aux aréoles pâles, regardent les étoiles, son ventre blanc palpite doucement, sur sa toison claire, le beurre en gouttelettes translucides, scintille au rythme de sa respiration. Puis elle tend la motte fondante qu’elle peine à retenir. Achille, stupéfait, assis au bord du lit, la prend, se lève et enduit soigneusement, à larges paumes ouvertes le dos ferme de Sophie, s’agenouille, crème l’amphore de ses hanches, pétrit ses fesses onctueuses avec délice, s’attardant sur la raie qui les fend. Son doigt, gras de beurre, glisse longtemps d’un bord à l’autre de la faille, déplisse religieusement la petite combe brune qui s’y cache, glisse entre les cuisses, ses doigts écartent au passage les lèvres fines de son sexe étroit pour empoigner la toison épaisse qui les surmonte. Sophie a frémi, sa peau épouse le chemin que trace les mains d’Achille, elle soupire. Alors, à deux mains enveloppantes, il graisse d’un geste sûr les deux longues jambes de Sophie, jusqu’à ses pieds, qu’il relève l’un après l’autre pour les ferrer de beurre frais. Il s’attarde entre ses orteils qu’il masse un moment puis frotte la plante cambrée de ses pieds. Elle soupire à nouveau, profondément, et tremble sous sa peau quand il la lâche.

Achille s’est relevé et lui fait face, elle le pousse légèrement, il s’affale sur le lit. Allongée sur lui, elle l’enlace en se frottant, ondule, se colle à lui comme une écorce à sa pulpe, jusqu’à même que leurs yeux se touchent et les fassent pleurer un peu plus encore. Achille la suit quand elle se retourne et enduit son dos des excès du sien. Il ne bouge pas, la laisse conduire la danse grasse de sa main qui roule sur son ventre et le met en émoi. Sophie s’attarde, fourre sa tête entre ses cuisses et le respire à plein nez comme une gourmande affamée. La caresse l’emporte en vagues fortes vers des mondes insoupçonnés. Elle se promène maintenant, langue chaude, sur son corps tout entier, d’entre ses orteils jusqu’aux creux de ses oreilles, comme une limace lente qui prend le temps de faire son chemin. Le plafond de la chambre est plus jaune qu’un soleil levant, il ondule au rythme du voyage, les murs ont disparu, les arbres se penchent sur lui, Oscar les regarde. Enfourché comme un Appaloosa par une Algoncoquine en rut, Achille ne dit mot quand sa cavalière écrase sauvagement une tomate mûre qui gicle son jus rouge sur sa poitrine, et dessine des rigoles étroites le long des seins de l’amazone au galop. Achille, hypnotisé, regarde d’un œil fixe la graine verte en suspens sur le tétin turgescent du sein gauche de la démone. Il se relève d’un coup de rein, le gobe, et retombe sur le lit comme un caméléon épuisé. Sophie marmonne, bouche pleine du sang végétal qu’elle crache salement sur sa poitrine, lui prend le goulot pour le remplir de pulpe mâchée, qu’il malaxe à son tour pour la lui recracher en pleine gueule. Le jus longuement partagé coule à présent sur son visage. Sophie, aigues-marines enflammées comme des phares de pleine mer, goule pointue, telle une gargouille échevelée, l’asperge. Puis elle se penche, le lèche à coups de langue rapeuse de chatte, et dépose chaque lapée dans sa bouche au cœur d’un baiser profond. C’est le temps des humeurs partagées, des incorporations et des accouchements mutuels. Il a tellement perdu conscience de son sexe qu’il lui semble devenir la grotte détrempée qu’il matraque à lourds coups de burin. Sophie le chevauche comme une cavale folle, ses seins tressautent au dessus de lui, elle a enfoncé ses doigts dans son gosier, elle agrippe sa langue, la tord, ses mains fouillent entre ses lèvres écartelées, puis elle les suce longuement, le regard fou, le corps en demi pâmoison, il suffoque, le museau plein à ras bord de la bouillie incarnate qu’elle continue de vomir comme une vouivre déchaînée. D’entre ses cuisses elle puise l’eau trouble de son plaisir dont elle l’enduit. Suçoir gavé, éructante, baveuse, elle le mord au sang, et dépose dans son ciboire grand ouvert de longs filets visqueux, colorés par les chairs et les fruits de tous les jardins.

Dompté, dominé, effrayé, Achille est submergé par la peur, une angoisse terrible, la peur de disparaître d’un coup, avalé par la matrice folle qui le dévore, l’envahit, il lui semble perdre sa substance, ses os fondent, ses chairs bouillonnent, sa moelle épinière déliquescente pulse à longs jets de lave blanche, son cœur ralentit, son souffle s’éteint tandis que son regard noircit. Il meurt, une grande mort, comme un orgasme définitif, le terrasse. Dans un dernier regard, Sophie se confond avec l’araignée suceuse qui le mine depuis des mois ! Ses cheveux blonds trempés de sueur battent l’air comme les pattes velues de son monstre intérieur, le ciel, qui a percé le plafond de la chambre, verdit, sa conscience faiblit, le monde n’est plus qu’un point, rougeâtre comme les yeux du diable chitineux qui le réduit à l’état de peau flétrie … Il jouit si fort que son foutre traverse la diablesse et se déverse, chargé de sang, de bile puante et de trempe visqueuse, jusqu’au fond de son estomac dévasté …

Il croit devenir fou.

Un goût sucré le réveille, il ouvre les yeux. Au dessus de lui, Sophie, embaumée de sueur, les aigues-marines injectées de sang noir, la main serrée sur une poignée de miel d’ambre liquide qui lui échappe lentement, regarde le nectar couler en larmes grasses entre les lèvres tuméfiées de son amant épuisé. Le sucre doux le régénère, il l’avale avec délices, et l’amertume fraîche de l’acacia le désaltère. Sophie pleure, l’eau salée de ses lacs translucides tombe en flots ininterrompus, elle lave, lustrale, les croûtes séchées du visage d’Achille. La chambre est silencieuse, un petit jour livide éclaire le plafond et les murs revenus des enfers délicieux, Achille, hébété, soupire comme une vessie qui se dégonfle, dans son ventre un creux le griffe quand Sophie se relève, leurs sexes se séparent en chuintant, elle se penche vers lui, sa langue lui lave l’entrejambe, elle prend une dernière fois entre ses lèvres gonflées sa verge vidée de sang, qu’elle nettoie méticuleusement, pose un baiser léger sur ses lèvres, se rajuste, murmure un adieu à peine audible, et quitte la chambre sans se retourner.

Achille l’abandonné, blotti dans sa pelisse rouge, ne bouge pas, exténué par son voyage au pays de cendres de son passé douloureux. Dans sa bouche entrouverte, le goût sucré du miel perdu le tenaille. Sa lampe irradie étrangement, sa lumière tremble, et son rayon d’ambre coruscant se teinte de béryl luminescent quand les aigues-marines disparues reviennent une fois encore à sa mémoire. Une larme a coulé sur le cuir vert bronze de son bureau. Une seule, l’ultime, la dernière. Avec le temps ses yeux ont séché, son vieux cœur est sec, ses reins sont vides, et sa bouche de carton pâteux. Dans le cristal, qui flamboie sous le fil incandescent de son luminaire, le miel pâle du vin tremblant sous la buée, l’attend. Achille s’y plonge et se repaît des fragrances délicates qui s’en échappent. Les fleurs blanches, acacia léger et jasmin en bouton, à peine perceptibles, précèdent la pêche blanche bien mûre et le nectar, puis le calcaire de Puligny-Montrachet affleure, s’y mêlent le poivre blanc, les épices douces et la réglisse. « Les Pucelles » – Achille, le vieux cochon, en rit franchement – du Domaine Morey-Coffinet, millésime 2010, longuement carafées (si tant est que les pucelles se carafent …) tournent dans le verre comme les danseuses de Degas, légères et affriolantes. La lampée qui dévale sa bouche le réconcilie avec la vie, tant elle est fraîche et douce à la fois. D’un équilibre parfait, le vin, puissant et délicat pourtant, déplie sa matière, il exsude son miel et ses fruits, ses épices l’exaltent, il enfle puis se tend et repart, porté par une vivacité gourmande. Ces Pucelles en remontreraient à bien des Bâtards !!! Rires. Putain que cette Bourgogne est belle, belle comme le cul tubéreux de Sophie !!!

 Achille soupire de bonheur.

 Loin, très loin,

 Au bras de son flûteux

 Tremblant et cacochyme,

 Triste et décharnée,

Sophie ne sourit plus,

 Et l’araignée expire …

EDÉMOPIAUTITÉECONE.

LE MONT PELÉ …

 

 

Pouvoir,

Vouloir,

Surseoir,

Tanguer,

Hésiter,

Sauter

Pieds joints,

Dépoitraillée,

Franchir,

Blêmir,

Paupières crispées,

Glisser

Dans les eaux

Froides,

Agitées,

De l’aventure

Évitée.

Sourire …

Sur les sentiers

Désolés

Des espaces

Inconnus,

Elle s’en va,

Tralala,

Joyeuse,

Inquiète,

Le regard

Encore tourné

De l’autre côté,

Ne sachant plus

Quel sein

Donner.

Cambrée,

Mouillée,

Givrée,

Désolée

l’âme au coeur …

Il y aura

Des roses

Dépareillées,

Aux pétales

Tourmentés,

Des chiens

Furieux,

Aux crocs

Sanguinolents

Qui croqueront

Tes chairs

A pleines dents,

Bavants

Hurlants,

Aux yeux,

Injectés

De sang.

Des doigts

De soie,

Sur ta peau

Hérissée,

Affolée,

Électrisée.

Dans ta bouche

Entrebâillée,

Ils glisseront,

Curieux,

Prendront

Ta langue,

Ta voix,

Tes mots,

Rouges

Comme des flambeaux,

Au vent joyeux,

De tes yeux

Amoureux …

Tu oublieras,

Qui tu es,

Deviendras

Ce que tu

N’es plus,

Chapeau pointu,

Ne seras plus,

Femme folle,

Ouverte

Au gland

Précieux

Qui te,

Oui, qui te,

Fera oublier,

Qui tu as,

Remords

Moi encore,

Crucifié …

Au moins sais-tu,

Boule de pus,

Ne plus puruler.

Que vouloir

Tout avoir,

Ne pas choisir,

Ne pas laisser

Ton cœur

Flotter,

Laisse

Ton âme

Pourrir,

Ta chair

Noircir,

Ton cœur

Blêmir ?

Sous tes oripeaux,

Asticots,

Cafards

Et regrets,

Dévorent

Ta vie.

D’un geste

Lent,

Au rond

De ton flanc,

L’aiguille

Effilée,

S’est enfoncée,

Souffle

Glacé,

D’un geste,

Désespérée

Elle t’a

Crevée.

Tes chairs

Tuméfiées

Hurlent

A la nuit,

Le chant

Sanglant

De mon

Gland

Exsudant …

Sur le sommet

Du mont

Pelé

Me suis

Décomposé,

Le temps

Me tue,

Pauvre

Sangsue.

L’éclat

Des vers

Ensanglante

Ma vie,

Aigues-marines

Perfides,

Languides,

Rêvées

Que les diables

Vous prennent

A tout jamais …

ACHILLE EST UN TUEUR DE FLÛTE …

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Trois jours dans le tambour …

De la machine à laver les malheurs, à décrasser les têtes, à javelliser les vies. Néant profond, remontée partielle, coma éveillé, nourritures enfournées, merdes déféquées sous surveillance, cul mal torché, douches brûlantes, se succéderont quatre vingt seize heures durant. Le cinquième jour Dieu a créé les oiseaux et les poissons, et ce cinquième jour d’hiver, Achille, dont Dieu se fout comme de sa première côte, a passé la journée à tenter de sortir de son abrutissement, à éliminer les anti-ci, les anti-ça, les anal-machins et les neuro-trucs dont on l’avait gavé, histoire de l’aider à digérer le goût de poing de mammouth qu’il avait pris en pleine poire devant Beaubourg, cette espèce d’horrible machine à laver !!! Achille s’est remémoré le parvis, le maigrichon noiraud, Sophie dans ses bras, son choc à lui, la main tendue alors qu’il se sauvait, cette espèce d’épouvante qui l’avait gagné. Puis plus rien, jusqu’à ce matin brumeux, son corps flasque, ses jambes tremblantes, ce sentiment confus de s’Oliviériser …

Marie-Madeleine s’est amenée dans sa chambre. C’est bien la première fois qu’elle visite un loquedu à domicile. Achille n’a pas mis les petits plats dans les grands, il l’a laissée entrer, poser son cul galbé sur une chaise, coller ses reins cambrés contre l’inconfortable dossier de bois verni, remuer un peu, croiser ses jambes gaînées de soie fragile. Il n’a rien dit, l’a auscultée comme un maquignon une génisse prête à vendre, il a souri d’un air vulgaire en laissant son regard glisser entre ses melons tavelés, a passé goulûment sa langue sur ses lèvres, s’est régalé de sa peau de lait, a attendu sans dire un mot, le regard fuyant juste ce qu’il faut. Un vrai vicelard. Elle s’est tortillée un peu, mal à l’aise, est passée d’une fesse sur l’autre, a tiré nerveusement sur sa jupe, histoire de le laisser mariner dans son jus noir. Achille a plongé la main dans son pyjama, s’est bruyamment gratté le scrotum, s’est léché les doigts d’un air pervers ; et s’est rendu compte qu’il retombait, encore, dans la séduction malsaine. Il a rougi, a balbutié quelques borborygmes mouillés et incompréhensibles en guise d’excuses, puis s’est tu. Alors la spécialiste des douleurs enfouies et des camisoles chimiques réunies, s’est fendue de son petit couplet mille fois répété, ses paroles ont sonné faux comme une cloche mal accordée, comme une campane fêlée. ACHILLE l’a coupée durement, « allez vous faire refondre !!», ça l’a coupée net au milieu de son sermon à trois balles, elle est restée bouche bée, vexée, ne comprenant rien, elle a rougi, il lui a trouvé une ressemblance frappante avec une tomate cœur de bœuf, sa bouche, rétrécie par la stupeur et la colère mêlées, lui fendait le visage comme une vilaine cicatrice. Comme une marmande éclatée au soleil de sa rage. La belle Irlandaise a retrouvé un peu de flegme, un soupçon d’empathie, et a lâché « reposez vous encore un peu monsieur Achille ». « Non, non, j’ai besoin de courir si vous n’y voyez pas d’inconvénient » lui a-t-il rétorqué d’une voix ferme. Elle a hoché la tête, a souri maladroitement, puis est sortie. Son cul rebondi l’a suivie en se dandinant, fesses humides et serrées.

Le long des allées ombragées, les yeux mi-clos Achille a filé cœur à terre, rasant les branches basses, Oscar a été là tout de suite et ne l’a pas quitté, toujours aussi rapide, agile, joueur, son pote à fourrure. Soudain Oscar a quitté le sentier, s’est enfoncé dans le bois, Achille l’a suivi sous la futaie, s’est fait griffé sévèrement les jambes, a pataugé plus d’une fois dans les terres grasses, est tombé de tout son long dans la boue, jusqu’à presque devenir un gnome parmi les gnomes qui se gondolent à lui faire des croche-pattes. Gluant et dégoulinant de terre mouillée, le visage plus noir qu’un démon de foire foraine, Achille se régale, l’eau sale l’a trempé, elle glisse entre ses fesses durcies par l’effort, il lui semble fumer, il se sent bien, la course le nettoie, la terre le gonfle d’énergie douce, le débarrasse de son chagrin. Oscar s’est arrêté au centre d’une minuscule clairière, perché sur un éboulis de pierres moussues, il l’attend en croquant à toute vitesse un gland du printemps dernier tombé d’un chêne dénudé. Achille s’est aussitôt arrêté, le souffle court, s’est approché doucement de l’écureuil qui n’a pas bronché. Entre les pierres disjointes d’un monticule ancien, une vierge de pierre, érodée par le temps, est tombée entre deux roches et le regarde de ses yeux qu’elle n’a plus, à la renverse, socle en l’air. Surpris, Achille s’est assis à quelques pas d’Oscar, le dos appuyé à l’écorce râpeuse d’un vieux chêne. En deux bonds, l’écureuil s’est retrouvé à moins d’un mètre de lui, et se régale d’un autre gland, que ses pattes et ses dents pointues décortiquent à tout allure. Jamais il n’a été aussi près, immobile, assis sur sa queue, confiant. Ses petits yeux brillants fixent Achille et ne le quittent pas. Entre eux deux, dans le silence du parc à peine troublé par le vol lourd de quelques faisans en vadrouille, on entend le craquement sec des branches sous le vent, le gargouillis à peine audible d’une source d’hiver quelque part sous la mousse. Un grand moment de petit bonheur paisible. Achille soupire d’aise, sous ses côtes battantes il entend les battements rapides de son cœur, la chaleur du sang dans ses veines, sa peine qui s’enfuit dans le tronc ligneux du gros chêne, une douce chaleur l’envahit comme si la nature le délestait du poids qui l’écrasait encore il y a peu. Achille a fermé les yeux, Oscar s’est approché encore, à presque le toucher, à deux doigt de sa main gauche. Son corps s’allège à presque s’envoler. Le temps s’est enfuit, le soleil d’hiver est passé de l’or à l’orange, et s’enfonce lentement entre les arbres. Achille respire profondément, doucement, à se remplir l’âme des fragrances d’humus et de champignon qu’exhale le sol. Oscar a couiné, s’est éloigné en deux bonds, s’est retourné vers lui, comme s’il l’invitait à le suivre. Ils sont repartis à vive allure, l’homme suivant l’animal qui lui montre le chemin. Aux abords du pavillon, Oscar a fait deux pirouettes, a secoué sa queue largement étalée, et a disparu d’un coup.

Cette nuit la lune est noire, la chambre d’Achille est un vrai tombeau, il ne dort pas mais flotte entre deux eaux. Les images du parvis l’obsèdent et tournent en boucle sous ses paupières, la fatigue de sa course peine à l’emporter, il a beau se concentrer, les images le tiennent et le ravagent, sa rage et sa tristesse sont plus fortes que les somnifères. Il patauge depuis des heures dans cet état intermédiaire, qu’inconsciemment il entretient. Entre les plans séquence de ce film qui n’en finit pas d’être rejoué, de brefs plans de coupe apparaissent sans crier gare, de plus en plus violents. Carotide tranchée, mains qui farfouillent au fond d’un torse béant, bouche aux dents aiguës qui déchirent et étripent un ventre vert de merde éclaboussée, gros plan de rasoir gluant, de murs tâchés de rouge, de verre pilé enfoncé dans une bouche hurlante, les images scandent le film. La bande son s’y met aussi, ça chuinte le gras écrasé, ça grasseye les veines tranchées, ça pchouille quand le sang colle aux murs, ça crisse le verre qui déchiquette les chairs, ça slurpe les lèvres maculées d’incarnat tiède. Achille jubile dans sa sueur glacée. Il se venge, détruit, anéantit, éclate, disperse en lambeaux, atomise, écrase, défigure, égorge, mord, arrache la tronche, le corps de ce flûtiste de merde, ce crevard qui l’a volé !!! Il inspire de toutes ses forces, espérant sentir l’odeur de la mort, appelant à lui tous les succubes, les dragons, les furies, les harpies, les hydres, les basilics, les guivres et les amphisbènes tapis au fond des ténèbres d’avant la création …

 Irrémédiablement.

ACHILLE le démembré, les yeux injectés, éclatés, infectés par la bile verte du démon qui l’a possédé jadis, lutte, se démène comme un beau diable pour se défaire du monstre, qui l’a jadis contaminé une longue nuit durant. Dans sa bouche, sèche comme un vieux cuir tanné par le temps, la poudre corrosive de ses dents brisées n’en finit pas de lui lacérer les muqueuses. La lumière blanche de sa lampe de bureau, lentement le ramène au présent de cette nuit, au cœur duquel elle inscrit un cône étincelant, comme un havre de paix. Dans l’eau d’or pâle de son verre, chardonnay, pinot noir et meunier assemblés, au travers de la paroi embuée, laissent monter un fin cordon de bulles fines qui finissent de lui rafraîchir la cervelle. Sous son nez penché sur le cristal, du Champagne Francis Boulard 2006 montent en fragrances délicates de fines senteurs florales, fleurs blanches tremblantes et jasmin en bouton fragile, puis les fruits blancs rehaussés par une note fugace d’abricot mûr, de miel dilué, de calcaire broyé et de pelure d’agrumes, finissent de le ramener à la vie. Une larme salée, est tombée dans le vin, Achille ému porte la bouche au buvant, le jus frais lui fouette les salivaires, les fruits largement roulent et le ravissent, si finement, qu’il lui semble croquer le vin. Puis la matière élégante s’allonge comme un ressort qui se détend et lui fait bouche propre, passe la luette et lui met soleil au ventre. Le vin délicat a tué le dragon et lui laisse aux lèvres le sel des calcaires qui ont porté ses fruits.

 Et lui murmure

 A l’oreille,

 Que parfois

 Dieu est bon,

 Que Bacchus aussi

 Est son nom.

 Ailleurs,

 Malheur,

 Sophie

 A souri …

ERASMOSSIETICONE.