LE PETIT CHAT EST MORT …
Il est pas beau le chat de La De ?
Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné – ©Tous droits réservés.
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Les guitares, sons désaccordés. Aux pieds gelés
Tout au fond des souliers, les ongles calcinés
Saignent comme des gorets aux dents déracinées.
La montagne est pelée, les arbres fatigués,
Les feuilles désargentées, et les gens, fauchés
Comme les blés ne sont plus dorés, même à Béziers.
Les lustres entamés par les rouilles, délabrés,
Les requins sont jetés par dedans les fossés,
Les lumières ont pleuré des larmes désarmées,
Les mers bleues avalées et les récifs griffés,
Le petit chat crevé, la souris anémiée,
Les greniers sont vidés des derniers grains de blé,
Les soupirs sont fanés, les amants enterrés,
Au fond des trous percés par des cafards mâchés.
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Regardez comme je sais arracher vos goussets,
Vos montres arrêtées ne peuvent plus chanter.
Dans la brume glacée, les gorilles désossés,
Au désert crevassé, les grenouilles emportées,
Les lacets sont plumés, les poules sont gavées,
Sous les dents carnassières, un oiseau a craqué,
Dans la nuit désertée, des femmes vont pleurer,
Des enfants assassinés, des aveugles châtiés,
La lune sera cachée derrière les rochers,
Au loin, de la fumée, il est temps de rentrer.
Et dans les bars bandés, les putes seront bondées,
Le tramway violet, les busards déplumés
Ont volé tout là-haut, et les étoiles perchées
Sur des mâts de misère ont perdu leur cachet.
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Les impasses, noires de minets défigurés,
Ont perdu leurs quinquets, leur boue et leurs pavés,
Gavroche démissionné, Jean Valjean dépassé,
Eluard est paumé et Desnos est brisé,
Regardez comme je vais le long des contre-allées,
L’herbe n’a pas repoussé après qu’on l’a fumée,
Aragon a voté et Prévert a roté,
Colchiques dans les prés, les yeux seront crevés,
Les rasoirs affûtés, les homme dépités,
J’ai chanté tout l’été comme la cigale l’a fait,
Et je suis harassé par ces rimes à hurler,
Les canons sont limés, les filles sont tirées,
Par les cheveux tressés des chevaux bien coiffés,
Le petit chat est mort, Molière l’a tué.
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Allez viens avec moi, il est temps de partir,
Là-bas où les nuages sont plus doux à mourir …