LES DEUX PHOQUES.
D’après La Fontaine, les deux phoques.
Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné – ©Tous droits réservés.
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Deux phoques huilés béaient : une moule bien à point,
Les deux adroits espèrent la gober.
C’est mieux que des radis ; un mets de choix enfin
Fête charnelle et boucanée
Fendue dans le milieu, blême et troublante bien.
Flottant entre les phoques choix de roi purpurin.
Le fruit si rebondi tout au bout du rivage,
Viens t-en qu’on te croquette tabernacle si poilu.
Glu de la reine au beau pelage
Fut chérie du gobeur. L’autre cul abattu :
Il pleura accablé d’avoir manqué la fête,
Raté la foire pauvre balourd,
Sans tambour l’animal peu fier de sa trompette
Se cachait bien honteux. Il criait alentour,
La marée ramenait autres moules sur la plage,
Il grognait aussi sec, bêlait clair sur le banc,
Et rugissant, montrant les dents
En appelait à son courage.
Il fit si tant de foin. Le gobeur fit sa loi,
Bouffa les raies, à remplir sa mangeoire.
Un narval qui passait par là :
Fielleux, d’un tour se mit à boire,
Et puis recueille fruits et pétoncles alentours,
Très faim par un brutal détour,
Le narval autour de la moule
Très taquin fait un grand banquet :
Se repaît le laquais, quel buffet ;
Tard il eut en flammes les moules.
La rancune salée met le phoque au dégoût ;
Tout branleur lent ne peut mettre dans la faille.
Méfions nous des retors et reposons nos bouts
Près des seins, la boustifaille.