DOMAINE DE L’A 2012. Castillon Côtes de Bordeaux.
Dans une carafe aux courbes hottentotes, voici trois heures, la bouteille au col sévère a pleuré à gros bouillons de chagrin – une bouteille que l’on vide de son amour de vin est toujours en larmes. Le jus odorant qu’elle emprisonnait depuis peu s’étire. Il a soupiré de plaisir, je l’ai entendu gargouiller.
Alors, plus mutin qu’une deb à l’idée du bal qui l’attend un soir prochain, oui une de ces debs du genre rebelle à papa – putain il fait chier le vieux avec son fric ! -, une des très rares qui ne porte pas la robe chantilly de tissu précieux montée par une des stars de l’inutile en vogue, le vin a déployé sa robe de grenat étincelante, au coeur de laquelle la lumière automnale se concentre en un point lumineux que j’ai peine à regarder. Une robe de velours aux reflets de pivoine grasse.
Or donc le vin en jette, et de belles lueurs appétissantes. A le regarder ainsi cligner de l’oeil, le nez se penche sur le verre. A peine l’est-il que les fruits rouges et mûrs l’accueillent, cerises, cassis et autres douceurs, des baies rouges assurément, aux parfums en harmonie veloutée avec la robe du vin. S’y marient épices douces et fragrances de violette. Sur les parois du verre, glissent des rus glycérinés qui ajoutent à l’appétence olfactive. Des parfums de bon bois aussi, des parfums de jeunesse que le temps estompera. A humer ce vin me reviennent « Passiflore, Magnolia, Acanthe …. » les noms des cuves tronconiques du Chai du domaine.
Le vin n’envahit pas la bouche, il la caresse. Ici tout est velours (oui encore!), la matière est conséquente sans être ostentatoire, d’une de ces fraîcheurs que j’aime tant, cette fraîcheur des calcaires transmutée par la vigne. Les fruits roulent en bouche, un jus de printemps, élégant, racé.
Il est tard les convenances se sont diluées, la soirée passant, les photographes sont partis, le consensuel a fondu, les corps sont chauds. Sous les mains caressantes du jeune Jean-Hubert de service, la Deb roule des hanches, elle a le regard mouillé …
Ce vin n’est pas bon, il est délicieux, la nuance est d’importance et les petits tannins fins et enrobés qu’il dépose au palais, avec la fraîcheur et le sel fin qu’il laisse au bord des lèvres, sont à mon avis la marque du domaine.
Stéphane Derenoncourt sait caresser La Colombe …