Littinéraires viniques » 2014 » janvier

ET C’EST ALORS QUE XERESSE …

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Albert Lynch. Portrait.

Chapitre 12.

Mathilde se chargea de tout. Le dimanche suivant, au bas des marches de l’église, elle fit savoir au garçon, par un billet écrit à la plume, joliment tourné à l’encre violette sur un papier d’écolier à carreaux, subrepticement glissé au passage, que Xéresse consentait à se rendre dans le petit bois, le jeudi suivant, en début d’après midi, pour y cueillir des fleurs, et converser un peu, avec le post-scriptum suivant : « Tenue correcte exigée ». Le Gonzague lut ça d’un œil hagard, n’y comprit pas grand chose mais sourit néanmoins d’un air entendu. C’était son air spécial qu’il n’adressait qu’à lui même, pour se persuader, qu’en toutes circonstances, il maîtrisait les êtres et le monde. Sans même se rendre compte qu’il se mentait. Il était de cette race que rien n’effraie, de ceux qui partent à l’assaut, toujours heureux de ne pas savoir ce qu’ils sont. Inoxydable, imputrescible, inébranlable et sûr de lui. La petite caille lui tomberait toute cuite dans le bec.

Le même soir la grande expliqua à la petite que le si beau se mourait d’amour pour elle. Elle battit des mains comme une enfant à Guignol et s’envola bien haut. Depuis le temps qu’elle l’attendait son prince charmant, celui qui la libérerait de ses peurs récurrentes, qui la remplirait de son amour, elle se noyait déjà dans ses émeraudes, se blottissait entre ses bras rassurants qui la protégeraient des rudesses du monde, et mettrait son corps au tendre supplice de ses mains douces. Elle l’entendait déjà lui murmurer des sucres candi, lui jurer à voix basse qu’il la chérirait toujours, et plus encore, ses lèvres charnues effleuraient son cou, son souffle parfumé électrisait sa peau, et son ventre brûlant se collait au sien. Abandonnée contre la poitrine de Mathilde qui lui titillait le delta du Nil, elle entrevoyait les portes du paradis sur terre. Elle se sentait déjà remplie, à jamais pleinement vivante, débarrassée de ce manque douloureux qui lui gâchait toutes les heures de sa jeune vie. Elle se promit de lui donner tout ce qu’il voudrait. A l’instant où elle se livrait en pensée, derrière ses paupières closes apparurent les émeraudes, qui tournèrent à la citrine, vivement, puis disparurent. Un frisson roula sous sa peau, qu’elle chassa d’un mouvement des épaules, un haussement, comme une renonciation.

Ce jeudi là, il faisait beau depuis plusieurs jours, et le sous-bois bien sec brillait doucement sous le soleil, entre zénith et coucher, le sol brodé de jonquilles aux périanthes gonflés de vie appelait à toutes les sarabandes, les gnomes et les elfes, invisibles aux yeux des mortels aveugles, sur le tapis moelleux, s’en donnaient à corps joie. Gonzague, vêtu de frais, pommadé comme un œuf mayonnaise, debout au milieu de la clairière que le soleil baissant commençait à caresser de ses rayons biaisés, faisait le héron depuis un moment déjà, passant d’une jambe l’autre. Sa longue silhouette étroite et ses trépignements répétés ne gênaient pas le petit peuple du bois, qui riait en silence en s’aimant sans vergogne, sûr qu’il était de n’être pas là. Derrière un des gros chênes de bordure, Mathilde venait de s’installer, comme au spectacle. Elle poussa la petite d’un geste doux et Xéresse apparut en lisère, dans sa robe de coutil bleu qui lui raidissait la dégaine, trop raide, l’étoffe lui mangeait les contours et gommait ses formes. Au bout de quelques pas un peu hésitants, le bellâtre l’aperçut enfin et sourit gauchement. Le petite le regardait béate, intimidée, son regard d’agnelle au sacrifice s’agrandissait sur ses iris noisette qui paraissaient plus grosses que des coques de noix, sa peau rosissait un peu et ses joues de pomme d’api lui faisait visage rayonnant, elle avait les deux mains crispées sur les plis de sa robe, le soleil jouait au bûcher dans ses cheveux, ses boucles lâches soulevées par la brise de printemps. Sous sa poitrine ronde, son cœur battait les tambours de la garde, sur l’organsin de sa peau de petits picots picotants roulaient en holas, qui envahissaient son corps sous la houle montante. Gonzague daigna faire un pas, et tendit les mains. Osseuses les pattes, aux doigts longs, maigres, un peu crochus, agrippèrent, plutôt qu’elles n’accueillirent, les menottes de la tendronne. Qui furent surprises par ce contact rugueux, mais dociles, elles s’abandonnèrent pourtant. Il lui prit sauvagement la taille, se baissant un peu, à contre jour on eût pu croire qu’un épouvantail l’enlaçait.

Maladroitement, il mit un genou à terre, l’entraînant, elle tomba presque et se fit mal au genou sur une pierre, ce choc la surprit mais elle ne laissa rien paraître. La main du garçon lui crocha durement la taille, il la serra d’un coup, lui coupant le souffle, mais elle aima. Les os secs la raidirent un peu, lui coupant la taille, il mit cela sur le compte de la pudeur, et serra plus fort jusqu’à ce qu’il sente sa poitrine s’écraser sur la sienne. Elle était pneumatique à souhait, une légère tension gonfla son pantalon étroit, qu’elle sentit aussitôt. Xéresse était partagé entre le désir de se remplir et une légère répulsion que la dureté des gestes déclenchait. Alors elle ferma les yeux, attendant que le miracle s’accomplisse, benoîte et conquise déjà. Mathilde au sourire cruel, la joue écrasée contre l’écorce du chêne, n’en perdait pas une miette. Gonzague écrasa sa bouche maladroitement contre celle de la poupée supposée, ses dents crissèrent qui la firent reculer. Le contact de ces lèvres molles, immobiles et sans vie ne lui plut pas, elle avait souvent imaginé le premier baiser de son prince, ce devait être quelque chose de tendre, doux, sensuel, soyeux, ondulant, humide et délicieux. Alors elle se mit à l’ouvrage, se relâcha complètement, laissa sa chair parler pour elle. Ses lèvres se mirent à suçoter lentement la bouche du garçon, d’instinct elle promena la sienne en souplesse par petits rebonds légers, gourmands et fureteurs sur les lèvres de bois, les incitant à lui répondre, pendant que sa langue le léchait furtivement d’une commissure à l’autre. Le séducteur sursauta, vexé de perdre la main, mais le délice ressenti, qui le dépassait totalement, l’emmenant bien au-delà de son pauvre registre de crachoteux, annihila sa volonté de petit maître. Dompté, le triste maraudeur des campagnes se laissa butiner.

Xéresse prenait son temps, dévorait le museau du coquelet par petits morceaux comme elle le faisait avec sa tartine du matin, qu’elle aimait à sentir fondre par minuscules bouchées sous la langue. Elle lui tenait la tête maintenant, ses deux petites mains couvraient à peine les joues du garçon, et les chatouillis des rouflaquettes clairsemées sur le bout de ses doigts la troublaient délicieusement. Le pauvret se retrouvait penché en arrière, ses cannes de serin tordues sous lui, la petite au dessus, pesant de tout son poids de chaton sur son torse osseux lui sciait les tendons. Il en aurait pleuré mais n’osait, ni se plaindre, ni bouger, de peur d’avoir l’air de fuir. Cela dura, dura tant et tant qu’il ne sentait même plus ses propres lèvres, encore plus figées, malgré les baisers de Xéresse de plus en plus profonds et dévorants. Il se redressa d’un coup, il n’en pouvait plus, ce qui renversa la petite sur le tapis herbeux qui, certes amortit sa chute, mais lui coupa le souffle et lui brouilla l’esprit. Quand elle souleva les paupières, les cheveux en bataille de la silhouette noire penchée sur elle lui recouvraient le visage, il lui sembla que le garçon n’avait plus d’yeux. Sous sa robe relevée, des doigts gauches, cherchaient, s’agitaient, tiraient sur sa culotte de coton élimé qu’ils avaient saisi à deux doigts, au cœur de sa chair, à la confluence de ses cuisses écartées, pétrifiées, stupéfaites. Quand il tira d’un coup sec, le tissu fragile craqua à la couture et la culotte s’ouvrit comme un sac de blé. La jeunette trembla, une onde de peur la traversa et lui griffa le cœur, elle referma les jambes, écrasant la main de l’intrus contre ses pétales délicats. Cela énerva Gonzague au plus haut point qui se débrouillait d’une main nerveuse pour desserrer sa ceinture, il n’y arrivait pas et grommelait tête basse, ses genoux écartés bloquèrent les jambes de la drôlesse qui ne s’était jamais défendue. La tête lui tournait, le soleil à contre-jour auréolait le chef du garçon au visage de charbon, elle cherchait ses quinquets verdelets pour qu’ils la rassurent, mais elle ne les trouvait pas, elle ne voyait qu’une forme noire aux longs membres aigus qui se démenait, tressautait, comme une marionnette aux fils coupés. Les arbres se balançaient bizarrement, se tordaient sur eux mêmes, les sons déformés stridulaient sous son crâne. L’autre grand pendu ne s’en souciait guère, il releva plus encore la robe, s’abattit sur elle d’un bloc, fourragea dans son pantalon, elle le sentait confusément qui cherchait, se trompait, ne trouvait pas. Puis au bout d’un moment, il donna un coup de rein sec, une petite piqûre la fit à peine sursauter, elle avait beau se concentrer, il lui semblait ne rien ressentir. Le petit asticot s’agita à peine, il ne dépassa pas le vestibule, puis il sursauta deux fois. Et ce fut tout. Sauf une petite tiédeur qui coula, mais si peu. Gonzague se releva, se rajusta très vite et lui jeta en partant : « alors, on se revoit quand ? », puis il partit, un grand sourire satisfait éclairait son regard.

Mathilde sortit du bois, déçue elle ne souriait pas, elle entraîna la petite qui s’était relevée. Le soir même, Xéresse, assise dans son lit, le regard vague, l’angoisse aux lèvres et le cœur vide, recousait avec application sa culotte. Non elle n’était pas triste, elle croyait simplement que l’amour, c’était comme ça, de grands baisers onctueux, puis une petite chaleur fugace. Elle aimait bien les bécots, c’était encore meilleur que manger. Quelque chose au fond de son cœur, de son ventre, de sa tête, elle ne savait pas, lui disait sans un mot, des choses qu’elle ne comprenait pas mais qu’elle n’aimait pas. Dans la chambre d’à côté, Gracieux, les esgourdes grandes ouvertes, fut déçu de ne rien entendre ce soir là. Il plongea sous la couverture, saisit l’objet de ses compulsions ordinaires, et se mit au boulot comme un brave petit soldat de la quéquette en feu.

BOUGONNE ALLONS VOIR SI LA GLOSE…

1525623_10201307820363017_707899369_nIllustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

Bougonne, allons voir si la glose

Qui ce matin avait ses choses,

Sa robe de foutre au vermeil,

A point perdu cette ventrée,

Les plis de sa rose poivrée,

Et son sein au vôtre pareil.

 —–

Limace ! Voyez comme en peu la garce,

Bougonne, elle a dessus sa face,

Hélas, lasse ! Ses beautés fardées au douar!

Ô vraiment albâtre fêlure,

Puis qu’une telle fleur sulfure

Que du vagin jusques au crachoir !

 —–

Donc, si vous me croyez, bobonne,

Tandis que votre feuillage festonne

Et ses pertes renouvelées,

Fouillez, baisez la bouillabaisse

Comme à vos pleurs, la tendresse

Fera hennir votre battée.

GONZAGUE ET LE VAGUE-A-L’ÂME…

self-portrait-1847

Dante-Gabriel Rossetti. Self-portrait.

 

 CHAPITRE 11.

A l’écart sur la place, loin du parvis, il avait bien pris garde de ne point être vu. Fils d’un petit maître du village, un menuisier qui avait accumulé, il ne fréquentait que peu les autres garçons de son âge. Ce qu’il fallait, pas plus, histoire de ne pas attiser les langues de putes qui l’auraient crucifié, traité de fier, en auraient fait un insupportable arrogant, et l’auraient définitivement cloué au pilori des infréquentables. GONZAGUE était habile, intelligent aussi, un peu, mais surtout malin, qui sentait les choses et les êtres plus qu’il ne les comprenait, un roublard, un madré au cœur froid mais au sourire délicieux entre deux lèvres pleines et deux fossettes qui lui relevaient les pommettes. Plutôt grand, le poil noir, la peau mate, toujours tiré à trois épingles, la quatrième eût été de trop dans un aussi petit village. Quelque chose de souple dans son allure aussi ainsi qu’une petite gaucherie étudiée mais délicate, qui donnait à ses gestes un charme indéniable qu’accentuait sa complexion fine et sa carrure étroite, ce qui n’empêchait qu’il fût bien tourné et plutôt agréable à regarder. Mais ce qui emportait le cœur des donzelles à poils divers, les rêveuses à géométries variables et les cœurs liquéfiés en général, c’était le céladon pur de ses yeux allongés, enfoncés dans leurs orbites et bien abrités sous de longs cils de jais qui battaient au moindre jupon faseyant.

Cela faisait quelques temps qu’il avait repéré les deux tendrons. Chaque dimanche aux abords de l’église, il les étudiait de loin, pesant ceci, soupesant cela, tachant de se décider, de sentir laquelle élire. Son instinct était sûr, en bon prédateur frileux il évitait la difficulté, et allait au plus simple. L’idée d’avoir à passer de longs jours à battre des paupières, des heures à essayer de dire des choses sincères qu’il ne ressentait pas, ah non pitié; s’épuiser à tricoter des mots qui ne venaient pas, à maquiller son visage de lumières factices et de sourires travaillés, à lancer des regards, langoureux comme les pâtes coulantes des fromages du coin, il n’y tenait pas, non pas qu’il fût impatient, mais il avait la petite lucidité qu’il fallait pour s’avouer qu’il était bien incapable de telles prouesses. Il pouvait bien grimacer cinq minutes, balbutier quelques borborygmes vaguement romantiques qu’il lui aura fallu longuement écrire et apprendre par cœur, pour espérer réussir à les dégoiser, en les disant mal, à l’à peu près bon moment, juste avant de les prendre fermement par la taille, un peu fort pour qu’elles tressaillent, et puis basta, il leur prenait la bouche, et en avant la cavalcade ! Ah oui, il passait aussi la main sous la cuisse gauche de la donzelle, la serrant bien fort, et la lui relevant jusqu’à la taille, alors, par un effet qu’il ne comprenait pas, elle s’abandonnait d’un coup, renversait son visage et lui offrait sa poitrine. Ah ça il l’avait bien compris, il le faisait aussi vite que possible, pour raccourcir les salamalecs. Après c’était facile, il les allongeait où il pouvait, les débarrassait de leurs oripettes, leurs fanfreluches, et les piquait d’un cou sec, où il savait, enfin croyait-il, car le plus souvent il devait s’y prendre à plusieurs reprises pour trouver sa tanière. C’est qu’il était un peu nerveux, il serrait les dents, à faire crisser l’émail, pour donner son meilleur, baissant l’encolure comme un yearling fougueux, et il s’agitait comme un bon, aussi fort que possible malgré ses reins fragiles. Les yeux fermés et la chaleur au front, il fallait qu’il pense à autre chose pour tenir aussi longtemps que supportable. Mais à galoper il s’engluait vite dans les lagunes, sans jamais pour autant en pouvoir faire le tour – c’est qu’il était monté très fin – et ses reins maigrelets s’épuisaient vite en petits crachouillis trop tôt venus. Ses victimes aux expériences plus limitées que les contours du canton, ne s’en offusquaient pas, les lapins étaient nombreux par ces contrées, bien au contraire elle souriaient, les pauvresses inassouvies, à se perdre dans les grands lagons verts de ses yeux embués par l’effort, et les petites tiédeurs qui leurs prenaient le haut des cuisses suffisaient à leur bonheur. Et c’est ainsi que Gonzague trompait son monde, et les mâles, jaloux de ses exploits supposés, le regardaient drôlement.

Mathilde l’impressionna d’emblée, mais dès qu’il croisa son regard il sut qu’il valait mieux ne pas s’y frotter, au risque de se dégonfler très vite comme une baudruche à la foire. C’est ainsi qu’il se mit à regarder, à tourner autour de Xéresse, à lui faire son sourire spécial, celui qui ne rit pas des yeux, le fameux rictus, vanille citron vert, qui lui avait valu tant de succès rapides dans les meules alentours. Et le vert glacial de ce regard vide, au dessus de ce sourire factice sur ces lèvres ourlées, transperça la petite aussi facilement qu’une griffe du beurre frais. La première fois qu’il la croisa et lui fit sa mimique, Xéresse s’en remplit comme d’une bouffée d’air printanier, elle sentit ses chairs gonfler, son angoisse ordinaire se dissipa un instant, elle se retourna même, les yeux encore plus ronds qu’à l’habitude, pour le regarder s’éloigner, son dos qu’il avait souffreteux et un peu tordu, lui parut un grand bel arbre au large feuillage épanoui. Elle n’en dit rien à personne, même pas à la grande qui avait tout vu. Le dimanche d’après, au bas des marches de l’église, pendant que la famille échangeait quelques banalités avec le voisinage, il s’approcha des deux filles, ignora la grande, et susurra un bonjour tout chaud, tout en dents blanches à la petite, se baissa légèrement vers elle, lui donna un billet froissé pas plus gros qu’un petit pois, en plantant son regard d’herbe fraîche en plein dans ses yeux. Xéresse oublia de respirer, rougit comme un coquelicot des champs et fit une bouche bien ronde, aspirant un grand coup, puis soupira comme si elle rendait l’âme. Mathilde lui lança deux mots, peut-être trois, qui firent l’effet d’un hérisson reçu en pleine face. Le gommeux n’insista pas. Le mot lilliput finit au fond de la poche de Mathilde. Jusqu’au soir à la bougie de la chambre, quand toutes lumières éteintes, pelotonnées l’une contre l’autre sous le patchwork, la grande déplissa soigneusement le minuscule carré de papier. Elles lurent en silence « Tu é si joli ». L’une pouffa, regardant la petite qui ne savait que faire, attendant que sa grande lui dise. Elles complotèrent longuement, l’oreille de l’une attentive aux murmures de l’autre. Mathilde décida qu’il fallait donner rendez-vous au garçon dans les bois, elle se cacherait derrière un gros chêne, pas loin, pour veiller au grain. Xéresse éberluée, les yeux comme des soucoupes crème de marron, hocha la tête sans dire un mot puis regagna sa couche. Mathilde examina soigneusement le billet en lumière rasante, s’approcha à presque le toucher des yeux, et réussit à lire, à demi effacés, et perpendiculaires à la déclaration enflammée, « Té bel », elle en conclut que ce garçon, outre de n’être qu’une demi lumière, était aussi pingre ….

LIQUEUR DIVINE …

1546319_10201307703640099_2144826033_nIllustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

 

La flasque est vide hélas! Et j’ai bu tous les litres,

Boire! là-bas boire! Je sens que des bateaux sont ivres …

D’être parmi les breuvages inconnus et les cieux !

Rien, ni les vieux flacons rebouchés par les gueux

Ne retiendra ta bouche qui dans ce nectar se trempe

Ô nuits ! ni ma langue déserte, elle qui lampe

Dans le verre vide que la liqueur défend

Et ni la jeune femme sacrifiant son penchant.

Je boirai ! Steamer balançant ta mixture,

Lève le hanap pour une exotique biture !

Une muflée, désolée par les cruels ciboires,

Croit encore à l’ivresse suprême des abreuvoirs !

Et, peut-être, les plats, invitant aux naufrages

Sont-ils de ceux qu’une goutte répand sur les carrelages

Perdus, sans foi, sans foies, ni dociles bistros…

Mais, ô ma fine, entends le chant des poivrots !

LES ANGES, LE DIMANCHE A LA MESSE…

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CHAPITRE 10.

Le temps passait, les enfants grandissaient, les filles resplendissaient, les ravages de l’âge supposé ingrat finissaient. Mathilde et Xéresse toujours inséparables, rayonnaient, l’une atteignait ses dix huit ans, l’autre ses dix sept printemps. Oui printemps était le mot et nul autre ne leur seyait mieux, elles traversaient le temps court, fragile et émouvant, celui de leur première beauté, cette grâce éphémère et aérienne qui faisait se retourner le dimanche sur le chemin de l’église, tous les hommes et les garçons des environs. Xéresse suivait Mathilde, la grande au port de princesse touchait à peine le sol, délicate, joliment dessinée, elle avait le visage régulier, la peau veloutée, un teint de rose, des lèvres rouges finement ourlées, et ses cils noirs et recourbés faisaient ressortir le noir profond de ses grands yeux brillants. Sa taille fine, et ses hanches d’un bel ovale parfait, mettaient en majesté ses longues jambes aux muscles allongés, juste saillants. Elle chaloupait à peine, au dessus de ses reins cambrés, ses petits fruits ronds regardaient le ciel complice qui lui souriait. Mais ce qui attirait plus que tout les petits rapaces affamés, c’était la lumière trouble de son regard qui attirait et inquiétait à la fois, et les garçons qui faisaient les beaux en s’approchant d’elle, perdaient un peu de leurs certitudes quand ils croisaient son regard. Souvent ça les stoppait net, ils restaient immobiles et tandis qu’elle continuait son chemin, ils se retrouvaient plantés là, incapables de poursuivre, accrochés à leurs sourires aussi stupides que figés. Mathilde était de celles qui choisissent et décident.

Parfois à côté d’elle, mais le plus souvent derrière, Xéresse resplendissait comme un fruit rond et juteux, juste cueilli au jardin par un petit matin de juin. Ses billes rondes grandes ouvertes avalaient tout ce qu’elle regardait, ses yeux de noisettine dorée laissaient en toutes circonstances sourdre une angoisse discrète, que trahissaient à peine ses sourcils légèrement froncés. Xéresse était belle comme une brioche sortie du four, son teint de crème onctueuse, son visage ovale aux joues rebondies, sa petite bouche ronde, juteuse comme une cerise sang de pigeon bien mûre, sa poitrine plantureuse qui semblait défier les implacables lois de la gravité, sa taille si fine qu’on aurait pu l’entourer d’une seule main, ses hanches généreuses, et ses fesses fermes et cambrées plantées sur deux jolies jambes potelées qui marchaient à petits pas souples, ses chevilles fines, enfin, aux mollets croquignolets, en faisaient une proie tentante pour les hyènes ordinaires dont les babines se retroussaient à son passage quand elle leur souriait ingénument. Souvent Mathilde se retournait vivement et les calmait d’un regard. Xéresse adorait le trajet dominical vers l’église, elle se gavait du désir lourd de tous ces mâles en surchauffe, et roucoulait tout du long en battant des mains.

Puis elles entraient dans l’église. Xéresse s’asseyait toujours à la droite de Mathilde qui avait Gracieux, toujours fébrile à sa gauche, lui même était à la droite de son père, près duquel se trouvait Josette perdue dans ses pensées entre les pattes puissantes de son teuton. Elle offrait aux ouailles qui l’entouraient un sourire, aussi figé que son regard était perdu et vibrant entre les cuisses blanchâtres du valet de ferme. Immuablement. Gracieux louchait à se tordre les yeux sur la grande, et la chaleur douce que ce corps juvénile dégageait, le mettait autant en rage qu’en troubles délices. Mathilde le dédaignait de toute la morgue dont elle était capable et se régalait du trouble du boutonneux, qu’elle accentuait en fronçant régulièrement son joli nez, affichant un air de dégoût qui ne durait que le temps qu’il s’en aperçut. Humilié comme jamais, le benêt devenait plus rouge qu’une fraise de juin. Pourtant, au fond de son marasme, il trouvait moyen de rêver à des tortures extrêmes qu’il se voyait infliger à la démone qui lui ravageait l’âme. Alors Mathilde le gratifiait du plus cruel de ses sourires en se passant la langue sur ses lèvres qui gonflaient, tandis qu’elle mordillait sa bouche charmante et humide. Le soleil qui perçait la nef à cette heure religieuse pendant que les chants des bonnes âmes résonnaient, rebondissant sur la haute voûte de l’édifice, entourait à contre jour la chevelure noire de Mathilde d’un halo surnaturel, exhaussant sa beauté toute fraîche, et brûlant d’un feu tremblant ses lèvres frémissantes. Sa carnation ivoirine brillait doucement, comme les flammes des bougies sur l’autel.

Xéresse somnolait doucement. Parfois son cou faiblissait, et sa tête de roussette oscillait un instant avant de se poser sur l’épaule de la grande. Elle aimait ces moments là, entre la lumière opale du jour et le chant des rosières, dans un état de conscience ralentie, ses angoisses faiblissaient jusqu’à disparaître. Elle rêvassait, alanguie, la respiration régulière de Mathilde soulevait son front, achevant de la plonger dans un autre monde. Tout se mélangeait sous ses paupières à demi fermées, la grande croix du dessus de l’autel fondait, le bois coulait comme du chocolat fondu, le grand corps blanc du Sauveur ruisselait, le sang sacré rutilait au soleil, des anges roses voletaient tout autour du choeur en chantant les louanges de Dieu, les odeurs d’encens l’enivraient, la voix de l’officiant psalmodiait des mots inconnus vides de sens, mais qui la transportaient, si doucement, qu’elle en défaillait presque, à en sentir une chaleur au creux de ses reins. Alors elle enfonçait la main au fond de la poche percée de sa robe de tissu râpeux, et ses doigts discrètement se mettaient à l’ouvrage. Aucune idée de sacrilège ne l’effleurait, bien au contraire, elle avait la foi simple de ceux que la religion ne culpabilise pas. Miracle entre les miracles, Dieu, bienveillant, l’accompagnait dans son voyage mystique et charnel, à l’instant ou « Ite missa est » retentissait sous la nef silencieuse, il lui semblait que son être, décuplé, accédait à la béatitude.

Au sortir de la messe, Mathilde posait un instant sur les parvis, elle attendait que la foule des ouailles caquetante descende les marches, elle dominait la masse informe de toute sa grâce, le regard perdu à l’horizon, belle et apparemment détachée, mais elle ne manquait pas de guetter du coin de l’oeil les regards furtifs et concupiscents des hommes qui la déshabillaient à la dérobée. Xéresse, elle, encore toute chavirée, sentait ses angoisses revenir. Gracieux ne pensait qu’à vite rentrer pour s’isoler dans sa chambre et se soulager des tensions accumulées. Josette avait hâte de retourner à la ferme voisine, retrouver les reins d’airain de son fendeur de bûches, Martin, inquiet sans trop savoir pourquoi, ruminait en silence, et épiait sa femme du coin de sa paupière chassieuse …

Ainsi allaient, entre les laudes et l’angélus, les dimanches dévots de la famille Pêcheur.

DANS TON CANON FUMANT …

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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Je te ferai l’amour,

En grand tapinois,

En rappeur langue de bois,

En gland soie de velours,

Lunettes de hibou fou,

Crinière au vent, petit pioupiou,

En croquant mes pralines,

Tu feras ta câline.

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Je te dirai bonjour,

En baissant l’abat-jour,

En criant comme un sourd,

En pleurant, triste d’amour,

Dans tes lacs aux eaux bleues,

Le soleil rieur, crévindieu,

Caressera, brillant, joyeux,

Les cils de mon cœur baveux.

 ———-

Je te dirai mousmette

Toi ma tendre belette,

Ma douce, ma cajolette,

De fermer tes mirettes,

De laisser tes courges,

Tes dents pointues, tes yeux rouges,

A fréquenter les bouges,

A qui aime les gouges.

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Je te ferai longues tresses,

Toi ma glu, ma folle maîtresse,

Ma profonde, ma ronde, ma drôlesse,

Nous laisserons, rieurs, nos détresses,

Dans ton canon fumant, ma bourre

Fera grandes étincelles d’amour,

T’enivrera de soupirs si lourds,

Comme deux chevaux au labour.

———- 

Là-bas dans le ciel opalescent,

Plane toujours le goéland,

Ses ailes immenses,

Battent au vent,

Patiemment.

COUPE LA LAME, TAILLE L’ÂME …

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Dante-Gabriel Rossetti. Bocca baciata.

 

 CHAPITRE 9.

 Josette rentra sous la pluie, elle affichait son visage habituel, fermé, renfrogné même, à peu près aussi expressif qu’une dalle funéraire, lisse comme un marbre poli, grisâtre, sourcils froncés, préoccupée par les tâches à venir. Mais à l’autre bout de son corps, dans l’ombre de ses jupes, son ventre battait toujours, comme une pulsation profonde et continue, son entre cuisses humide et ses chairs fragiles la reliaient toujours à son guerrier brutal. Entre ses lèvres serrées et tuméfiées, elle gardait un peu de cette liqueur chaude et âcre qui l’avait inondée après qu’elle l’eût emportée au firmament des plaisirs insupportables. Elle brûlait de glisser sa main sous sa jupe, mais Martin désœuvré traînait dans la maison, crispant à intervalles réguliers ses grosses mains calleuses. Comme un rapace en maraude. De temps à autre, il jetait à Josette un regard sournois. Les cercles réguliers qu’il décrivait décroissaient insensiblement, et ses regards furtifs se faisaient plus fréquents. Josette eut peur, d’un coup, très peur, elle le connaissait le Martin, et cette façon qu’il avait de se rapprocher d’elle pour la prendre d’un coup comme un lapin au clapier, quand il s’ennuyait. Faut croire que ça lui éclaircissait la tête, que ça consumait son angoisse. Josette préparait la soupe du soir, du bout de son couteau pointu, elle fendait les poireaux puis les étêtait d’un coup de poignet. Leurs chevelures, lourdes de terre séchée, tombaient sur la table en petits tas, comme des scalps de sorcières albinos décapitées. Elle en était, après avoir gratté des carottes, à déshabiller de grosses patates charnues dont les épluchures parfaites, coupées au ras de la chair, égayaient comme des guirlandes tristes le tas de pelures, quand Martin qui s’était glissé dans son dos, d’une main ferme, la coucha sur la table, tandis que de l’autre il soulevait brutalement ses jupes. Surprise par la rapidité de l’attaque, Josette sentit son cœur se geler, elle serra les fesses sur les vestiges à demi séchés de ses amours récentes, l’odeur aigrelette de Kurt lui revint aux narines qu’elle avait écrasées sur les déchets, la rage lui vint d’un coup, cette émotion étrangère la troubla un instant, la submergea, propulsant sa main armée dans son dos, la lame entailla le poignet de Martin qui poussa un grognement de bête blessée, pour se reculer aussitôt, trébucher et se retrouver le cul par dessus tête, à moitié assommé par le mur. Elle ne l’avait qu’égratigné de la pointe du couteau, mais le geste incontrôlé les avait surpris tous les deux. Martin ne comprenait pas la réaction de sa femme, il avait l’œil rond fixé sur l’écorchure qui zébrait son poignet, ses lèvres bougeaient en silence, et Josette, appuyée à la table, plus blanche que la chair nacrée des poireaux, respirait comme une vache vêlante. Martin se releva, tête baissée, regard fuyant, il sortit de la cuisine en traînant ses godillots. Sans un mot. Et Josette comprit qu’il n’y reviendrait plus.

Le bruit soudain qui déflagrait de la cuisine fit sursauter Xéresse. La surprise et la frayeur lui coupèrent le souffle, ses yeux se révulsèrent. Un court instant elle fut ailleurs, son ouvrage n’eut pas le temps de lui échapper des mains, elle était revenue. Personne ne s’était aperçu de cette étrange absence qui la prenait à la moindre émotion un peu forte, la peur, comme le plaisir, l’emportait à chaque fois, comme une vague figée par le temps arrêté. C’était si bref, qu’il aurait fallu ne pas la quitter du regard pour s’en apercevoir. Mathilde, bien sûr, le savait depuis toujours, mais faisait mine de rien. Elle avait mis cela sur le compte de sa faiblesse d’esprit, cette sorte de mollesse de caractère qui lui avait permit d’en faire sa chose. Elle guettait le regard de Xéresse s’il lui prenait l’envie de la faire défaillir sous ses caresses précises. Quand l’œil de sa chose tournait à l’ivoire d’une boule de billard, puis revenait aux noisettes dorées de ses iris rondes, Mathilde sentait, sous les épaisseurs de ses habits, poindre une rosée de plaisir à l’instant précis où Xéresse soupirait d’aise. Souvent sans un mot, mais le regard brillant et la lèvre gonflée, la chose lui prenait la main et attendait quelle s’affaire sous sa jupe ou sa blouse. Elle revenait toujours de ces voyages intimes, souriante, on aurait pu croire que ces jeux lui redonnaient vie, et pendant quelques heures, la chose sortait de l’ombre de Mathilde et semblait exister. Alors, ces temps-là, elle pouvait s’intéresser un peu au monde. Mais elle s’épuisait très vite et retombait dans une sorte d’apathie dépendante. Xéresse était de cette étrange et rare race de vampires qui se nourrissent, non pas de sang vermeil, mais de caresses, de frissons et de voluptés à répétition. Elle ne craignait pas les lueurs de l’aube, ni la morsure délétère du soleil, mais elle dépérissait quand son ventre dormait. Cette faille douloureuse, toute sa vie il la lui faudrait remplir, sous peine d’être condamnée à se traîner comme une morte vivante. Pourtant derrière les vitres sales de son regard terne, elle peignait le monde aux couleurs grises de l’angoisse forte qui l’étreignait constamment, la privant d’énergie, et cela la rendait incapable de toute initiative personnelle, pauvre wagon abandonné par sa locomotive sur une voie sans issue. Mais ces yeux tristes, vides, éteints comme deux bougies soufflées, avalaient tous les êtres qui la croisaient, du dernier bonimenteur de village à la vache perdue au fond du champ. Xéresse n’allait jamais les mains vides, il lui fallait toujours un chiot, un chaton dans les bras, qu’elle caressait mécaniquement, sans jamais se lasser, jusqu’à épuiser la pauvre bête devenue sa chose. Au bout de quelques jours, la bestiole, inexplicablement épuisée, mourrait, et cela la mettait dans un chagrin aussi bruyant qu’inextinguible, ses affres décuplaient, qui la terrorisaient au point que les doigts de Mathilde, habile fileuse, glissaient le soir sous sa chemise et œuvraient à tisser ardemment son ouvrage. Quand elle n’était plus que frisettes emmêlées, bouton épanoui, tétons enflés et plaisirs liquéfiants, elle tremblait à claquer des dents, ses yeux faisaient lune pleine, et tout rentrait dans l’ordre. Ces nuits là, Mathilde se régalait à lui rougir la peau fragile des cuisses à longs pinçons tordus pénétrants. Et Xéresse repartait à l’assaut de son semblant de vie.

Dans la chambre d’à côté au mur de papier, suant dans son lit creux, tout au fond de la dépression de son matelas à demi effondré, Gracieux, rouge comme une crête de coq, écoutait sans mot dire les gémissements montants des filles au labeur. Il aurait bien voulu se glisser sous leurs draps et regarder de tout près, à distance de langue, les onctuosités qui leurs graissaient les doigts, l’idée de les leur lécher lui traversait bien l’esprit, mais il serrait le paupières à tuer l’image, et se pinçait la peau du lombric autour du gland, qu’il n’osait pas extirper de sa capuche, mais ses agitations courtes et convulsives finirent vite par lui crémer la paume de la main. Alors il s’essuya en priant Dieu de regarder ailleurs, et recommença frénétiquement jusqu’à ce que l’épuisement et la source tarie l’emportent au juste sommeil des boutonneux déliquescents. Et là tout devint possible, l’impensable fut permis, le Diable dormait dans sa boite, Jésus dans son suaire, et Dieu, débordé de travail, l’oubliait un moment.

Dans un sous bois luxuriant, par un printemps éternel, au milieu des fleurs et des lierres grimpants, beau comme Adonis, couvert de roses et de myrte, entouré de femmes lascives aux buissons ardents, aux seins épanouis, aux cuisses douces et aux ventres bombés, aux regards fulgurants, aux lèvres de cerises juteuses, qui lui tendent des bouquets d’anémones multicolores et des brassées grasses de jonquilles parfumées, mollement allongé sur des corps pneumatiques de déesses douces, habillé d’une charmille de mains câlines, Gracieux, affublé d’un braquemart énorme, enfourche à qui mieux mieux des vierges implorantes dont les langues agiles furètent dans les moindres replis de son corps musculeux. Au loin, très loin, par l’entrebâillement des portes gigantesques d’une demeure immense, lui parviennent les chants assourdis d’autres vierges implorantes en attente. Pas de monsieur le curé à l’horizon, Gracieux est heureux, insatiable, il s’active, plus encore que le disgracieux Priape aux vergers. Le lendemain au réveil, plus flapi qu’au coucher, il ne se souvenait de rien et redevenait l’âne ordinaire de la maison. Mathilde le montra du doigt au déjeuner en riant bruyamment, deux secondes plus tard, Xéresse s’esclaffa à son tour.