Littinéraires viniques » 2013 » novembre

UN ALBATROS S’EST POSÉ …

1426572_10200973691370001_1493919463_nCe que La De a lu.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Un grand soleil de haut fourneau,

Coulis de chorizo,

Lave sanglante, lent staccato,

Est tombé, tout rouge sur les îles,

Jus d’orange, de fruit de la passion,

Dents de requin, chapelet de crocs à l’horizon,

Noires, aiguës, plantées, immobiles,

Rien ne les touche, vieilles et nubiles,

Quand le soleil, l’astre se lève,

Et du ciel flamboyant fend la plèvre,

Sur la baie d’Ajaccio …

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Brumes mouvantes, rampantes,délitées,

Sous la brise montante, le vent léger,

Lentement, tendrement, plumes de cygnes,

S’évaporent en gémissant sur les vignes,

Feuilles rouges, tremblantes, mourantes,

La peste s’en va, à mourir, radiante,

Automne aux rouilles aphrodisiaques,

Émotions rouges comme un zodiaque,

Et disparaissent, tristes arnaques,

Dans le ciel bleu cobalt de Cognac …

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Quand la tempête, la folie, ont rugi,

Flux déchaînés, comme par magie,

Le ciel, percé, dompté, s’est fait violet,

Les arbres noirs, vaincus, se sont couchés,

Le tonnerre, menace voilée, a grondé,

Tuiles envolées, volets claquants,

Regards baissés sous le boucan,

Les îles, si loin, gisent, impavides,

La mer, blanche de bulles, livide,

Il pleut du vent, des cris, du sang,

Le ciel ardent est sur les dents,

C’est une pluie de viragos,

Et tombent les fleurs, les trombes d’eau,

Sur la baie d’Ajaccio …

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Sur le velours des vignes étales,

Elle est là, la ronde femme fatale,

La lune aveugle, ce soir est pleine,

Comme l’œil mort d’un poisson,

Dans les rues noires, ville vilaine,

Passe l’ombre claire d’un moribond,

Le jour n’est plus, la nuit l’a prit,

Opale lune blême, tu te débats,

Et je gis, allongé sur mon bât,

Vénéneuse, elle s’accroche aux ombres,

Fluide, dans le ciel vide de Cognac …

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Sous la scansion de mes mots,

Je sens son dos si doux trembler,

Sur sa cambrure, sa chair, ses os,

Mes mains sans forces se sont posées.

Un seul être, une seule âme me manque,

Et mes doigts décharnés se sont brisés.

Sur les eaux calmes et cristallines,

Du bassin incurvé de ses hanches,

Mon cœur, pauvre moineau, s’affole et flanche,

Ma voix, faiblit, se tait, moi pauvre manche,

Je n’y peux mais, sur la pervenche,

Bec crochu, griffes serrées, qui attendait,

Le bel Albatros noir s’est posé …

ET L’ARNO COULA …

getimage

Dante-Gabriel Rossetti.

 

CHAPITRE 5.

Gracieux regagna sa chambre, le souffle court, le ventre brûlant, les jambes plus dures que les bois du bois, le diable riait sous cape et le tenait, terrorisé, entre ses griffes. Sa chambre n’était que la gueule puante, béante, du démon aux ténèbres de laquelle il s’était innocemment réfugié comme un oisillon halluciné, il avait si peur, tout recroquevillé au pied de son lit, qu’il baissait la tête et appuyait de toutes ses forces ses mains sur ses yeux. Mais le diable, ce malin, s’était glissé sous ses paupières et riait à sabots fendus …

Le soir au souper, Xéresse avait les joues rouges et le regard vague, l’oeil encore à demi éteint d’une noyée juste sortie des eaux. Josette versait le café dans les bols, y ajoutait à peine une lichette de lait frais, et tranchait d’un poignet sûr le gros pain qui faisait la semaine. Ce soir c’était fête au logis, elle avait posé sur les tartines épaisses une fine tranche translucide d’un fromage que la bravasse de la ferme d’à côté lui cédait à bas prix. Gracieux, penché sur son bol, évitant les regards, l’avait englouti d’une bouchée, Xéresse, tout à son bien être, les yeux à demi révulsés, n’avait encore touché à rien, Mathilde, elle, était bien là, qui épiait tout le monde à l’abri de ses longs cils, elle savourait la chair crémeuse de la tomme, à petites bouchées économiques, la suçant longuement, bouche grasse, elle se maquillait les lèvres, attendant que le Gracieux hypnotisé lève les yeux de son bol vide, bouche ouverte et poings serrés. Elle le tenait, l’asservissait, comme ça, sans même avoir besoin d’ourdir, d’instinct. Ses terribles manières clouait le garçon à ses lèvres. Gracieux, plongé dans son bol, protégé par sa tignasse rouge, comme une autruche martienne, avait disparu, il avait quitté le présent insupportable du repas. Mathilde observait le seul lambeau de peau encore visible malgré ses efforts, entre sa flambée de cheveux hirsutes et sa chemise, un mince ruban, devenu écarlate sous l’emprise de la colère, de la peur, ajoutés à quelque émotion indicible, mais si puissante, qu’elle le tenait ployé, broyé, entre ses mâchoires implacables. Entre ses jambes aux genoux serrés, une tâche humide, l’oeil de son désir, s’étalait sur l’étoffe épaisse de son pantalon. Sur les parois intérieures de son bol de faïence craquelée, le garçon pleurait sa honte. Et ce diable qui ricanait et le mordait sous le tissu …

Un froid bleu rendait le ciel mordant depuis quelques jours, les filles ne quittaient pas le bois, Xéresse, peu couverte tous ces temps, en était tombée fiévreuse, tousseuse et cracheuse, ses grands yeux ronds brillaient d’une fièvre brûlante qu’elle endurait sans une plainte, comme une fatalité. Josette aimait ses gosses, d’ordinaire peu encline à la douceur, elle élevait les enfants plutôt à la dure, mais ce jour là elle avait forcé la petite qui n’avait pas résisté – elle ne résistait jamais – à garder le lit. Elle resta plusieurs jours allongée à suer entre semi veille et sommeil léger. Pour atteindre la ferme voisine, il fallait longer le petit bois, Josette, trop affairée, avait ordonné à Gracieux et à Mathilde d’aller y chercher deux lourds brocs de lait frais. Gracieux avait bien tenté d’échapper à la compagnie de la grande fille, mais sa mère, d’une bourrade, l’avait redressé. En lisière du bois, Mathilde prit la main du béjaune, d’un coup de hanche elle l’entraîna sous le couvert, jusqu’au champ, ce jour là défleuri, de ses jeux habituels. Elle se mit à genoux, le tira vers elle, il tomba. Malgré le froid, elle dégrafa sa blouse, devant les yeux affolés du garçon ses deux petits fruits blancs apparurent, sa peau rosit un peu à l’air frais pinçant, puis elle força la main raidie de Gracieux à l’approcher plus encore, jusqu’à ce qu’il finisse par effleurer, le temps d’une seconde furtive, la rustine gonflée de son sein droit. Le petit téton renflé gonfla un peu plus, et se piqueta de minuscules taches couleur d’églantine, elle ferma les yeux ostensiblement, en respirant exagérément. Au contact, pourtant si furtif de cette chair tendre, Gracieux se referma comme l’huître au sec, en rendant son eau. Mathilde rouvrit les yeux qu’elle gardât baissés, son index droit se ficha durement sur l’auréole qui maculait le pantalon clair, Gracieux prit en plein visage le regard de la drôlesse qui relevait la tête d’un bloc. Il poussa un cri étranglé, se redressa d’un coup de rein et fila au travers des arbres, comme un lapin au bruit d’un fusil. Il hurlait, s’étranglait à demi tout en détalant, avec, fiché dans son crâne par un clou de bronze, les iris jaunes de Mathilde, fendues, moqueuses, humiliantes, féroces, qui lui dévoraient la tête. Le diable, loin derrière lui, riait comme une folle.

Le soir, elle ne dit rien à Xéresse abrutie de fièvre, elle se contenta de la bercer, en chantonnant une mélopée douce qu’elle inventait au fur et à mesure. La petite s’endormait, pendant qu’elle l’enjôlait la paume fraîche de la grande lui caressait légèrement le front, ça l’apaisait. Mathilde souriait doucement, sa peau frémissait au souvenir de la main du garçon, maladroite et ingrate pourtant. Alors elle se repassa la scène de l’après midi, s’inventa un bel homme jeune, à son goût. L’adolescent agenouillé devant elle la dépassait d’une demi tête, il avait les épaules larges sous un pourpoint rouge qui découvrait des bras à la musculature fine et bien dessinée, son cou d’ivoire supportait un beau visage d’ange du quattrocento, au sourire à peine ébauché, au nez fin, au dessus duquel souriaient niaisement en la regardant, deux yeux céladons, sur son front droit tombaient en mèches moutonnantes, d’émouvants cheveux noirs qui reflétaient une lumière sanguine, moirée de reflets mauves, glorifiant sa toison épaisse d’une aura cérulescente, si douce qu’elle en perdait le souffle. Le soleil déclinant, dans son souvenir inventé, déflagrait, et ruisselait dans son cœur extasié comme un miel sucré. Elle laissa sa main descendre sous le patchwork pour se caresser. L’Arno d’argento coulait entre ses doigts …

LES PETITS JEUX DU DIABLE AU FOND DU BOIS …

A Vision of Fiammetta

Dante-Gabriel Rossetti. A vision of Fiammetta.

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CHAPITRE 4.

La maison de la famille Pêcheur donnait sur une grande prairie, close par un petit bois touffu au cœur duquel pointait un bouquet de grands arbres, aux troncs si serrés, qu’on pouvait aisément s’y cacher. Au centre de cette cathédrale feuillue, que le soleil de midi perçait un peu, le sol, tapissé d’herbes folles, de fleurs, de tapis moelleux et moussus, servait de refuge aux filles. Elles y passaient des heures à cueillir des bouquets d’efflorescences qu’elles transformaient en parures multicolores. Xéresse, agenouillée dans l’herbe, ne bougeait pas, faisait la chose, Mathilde, comme à l’habitude, dirigeait les jeux. Elle avait décidé d’être Morgane la fée, et Xéresse serait Clochette. Le temps passait sans qu’elles s’en aperçoivent, fleur après fleur l’enfantelette se transformait en bouquet vivant. Mathilde avait un goût sûr et une inclination naturelle pour l’arc-en-ciel des couleurs, elle piquetait la petite d’altheas, d’oeillets des Chartreux, d’antirrhinums, de renoncules, de campanules, de digitales, de gueules de loup, d’ancolies et autres jacinthes ou centaurées, jusqu’à ce qu’elle flamboie sous la lumière dorée du soleil couchant qui, perçant la futaie, donnait à la scène champêtre des allures proprement magiques. L’âme immortelle de Merlin planait sur la frondaison. Mathilde finissait son œuvre en tressant des couronnes d’herbes séchées mêlées aux feuilles mortes, dont les dégradés rouille vibraient sous les rayons tremblants de l’astre rougeoyant. Alors elle psalmodiait de fausses incantations, s’agenouillait devant la statue vivante irradiée et tremblante, se dénudait jusqu’à la taille, la roussette la caressait doucement, la touffe de chiendent aux épis rudes lui piquait la peau jusqu’à l’agacer, et les petits bouts roses de ses mamelons fragiles se raidissaient un peu. Xéresse se plaignait assez vite d’avoir mal au bras, mais Mathilde, d’un œil inflexible, lui enjoignait de poursuivre. Et la petite chouinait, pleurnichait, puis finissait par gémir quand la main de la grande, adroite et fureteuse, qui s’était glissée sous sa jupette, lui mettait les cuisses en eau. A cet instant précis Xéresse se cambrait de plaisir, à ce moment là seulement, elle se sentait exister pleinement dans le regard des êtres et du monde.

Gracieux fuyait les filles, il n’y pensait que le soir. Son asticot s’était fait lombric et commençait à l’agacer, il lui arrivait même de couler la nuit ce qui le mettait en grande inquiétude. Il réparait discrètement les dégâts au mouchoir trempé dans l’eau, il frottait comme un beau diable, non diable non, plutôt comme un furieux, jusqu’à râper le drap, alors qu’un peu d’eau fraîche eût bien suffi à laver sa couche ! Ah oui la peur du diable et les sermons du curé au cathé, comme en chaire, lui mettaient une telle peur au ventre, qu’à cette seule pensée, son lombric rentrait sous terre. Pourtant quand elle s’isolaient dans le petit bois derrière chez lui, le garçon mourrait d’envie d’y aller voir, Xéresse était à cent lieues, mais Mathilde s’en doutait, et le matin comme à tous les coins de la journée, elle faisait tout, voire même plus, pour alimenter sa curiosité, lui mettre cœur à la chamade et lombric à l’émotion. Il lui arrivait de se planter devant lui et de le regarder, sourcils froncés et regard perçant – au fond duquel elle laissait quand même passer un filet d’huile d’olive douce – pendant au moins trente secondes. Gracieux, ne bougeait pas, flageolait, baissait les yeux, puis restait pétrifié comme une souris devant un cobra. Elle aimait aussi le frôler au détour d’un couloir, ou en plein milieu d’une pièce, quand il y avait pourtant bien de la place pour dix personnes, elle aimait le voir tomber en panique, mais plus que tout elle se régalait les sens quand l’odeur aigrelette du garçon lui montait au nez. Histoire d’en profiter plus longtemps, elle marchait sur lui jusqu’à le coincer au fond la pièce, à ne plus pouvoir bouger, s’approchait au plus près et se penchait sur son cou, à sentir sa chaleur et se gaver de vinaigre sale, pendant que tout à la terreur qui le sidérait, affolé par cette peau qui le frôlait, il fermait les yeux et priait vaguement. Elle poussa même l’audace une fois jusqu’à enfoncer le bout d’un doigt entre les lèvres du garçon, qui toussa de surprise, avalant de travers, et s’enfuit en courant, la bousculant au passage. Xéresse qui n’était jamais bien loin, riait nerveusement, trépignait sur place et se tordait les doigts. Mathilde aimait les odeurs fortes, aussi elle préférait coincer Gracieux en fin de semaine, quand son fumet de petit mâle, longuement faisandé, avait mariné un gros temps, jours et nuits, dans ses habits comme sous les draps. Alors là c’était purs délices ! C’était, dans sa vie de jeunette privée de presque toutes les douceurs de la bouche, son bonbon, sa friandise, son chocolat. Gracieux, atterré et ravi à la fois, se réfugiait dans sa chambre, la tête en feu et le diable au corps.

Une après-midi qu’il n’y tenait plus, il mit le diable au fond de sa poche avec ses prières par dessus, laissa les filles s’enfoncer dans leur repaire moussu, et se glissa tout suant dans le petit bois. Le ciel était limpide, des lames de lumière aveuglantes jouaient avec les feuilles agitées par un vent léger, et ces lames incandescentes semblaient mettre le feu aux arbres comme à ses joues. Il brûlait de partout. De honte, d’émotions étrangement nouvelles, et de peur, en flots mêlées. Mathilde s’était assise au pied d’un gros chêne, ses bras entouraient le torse fleuri de Xéresse, allongée sur son giron. Le soleil cru et mouvant jouait sur leurs corps, elles ressemblaient à deux chatonnes ocellées de chrysocale en fusion. Gracieux en oubliait de respirer, et la tête lui tournait, la scène devenait floue, changeante, ombres et lumières dessinaient des formes en mouvement, des anges aux ailes vibrantes et des diables menaçants tournaient comme des spirales furieuses, les branches des arbres tordillonnaient comme des bras torturés. Au bord de l’étouffement, il ferma et rouvrit les yeux à plusieurs reprises, finit par inspirer un grand coup en s’essuyant le visage à grandes brassées d’herbes grasses qui lui griffèrent la peau. La main de Mathilde s’était glissée sous la blouse de sa chose, et le mouvement lent de ses doigts délicats mettait aux lèvres charnues de Xéresse un sourire béat. Gracieux céda devant tant de grâce ambiguë, rampa à reculons, s’arrachant les genoux jusqu’en lisière de bois, se releva, et prit ses jambes à son cou. Une incoercible terreur le poussait, il tomba plusieurs fois, se releva, se retenant de hurler, le diable lui mordait les fesses.

A LA QUEUE LEU-LEU …

1422366_10200853595567681_1239502541_nEt la finesse de La de.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

 

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Jacotte, petite marmotte,

Elle tricote, la frisée, elle tricote,

Croque menue, pointue, sa biscotte,

Du bout gourmand de ses quenottes,

Droite dans ses vieilles bottes,

C’est une madrée, une rigolote,

Qui dévide, coquine, sa pelote

Tombée, toute douce, de sa hotte

Elle sent bien bon la bergamote

La lavande, la myrrhe et la cancoillotte …

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Et voici le bel, le grand Edgar,

C’est un foutu bourru gaillard,

Barbe fleurie, lèvres sans fard

Grande gueule et gros braillard,

Cannes de serin, ventre de boyard

Torse velu, sacré braquemart,

Bouffeur de sanglier gras au lard,

Qui suce, goulu, cailles au caviar,

Se gave de salmigondis de canard,

Un peu vantard mais pas trouillard …

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La coquette Alphonsine,

Ôte son jupon de mousseline,

Son fin corset de feutrine,

Yeux de nougatine,

Bouche de praline,

Masse sa jolie poitrine,

Aux nuances opalines,

Avec force margarine,

Elle la soupline,

Et sa tête de dodeline…

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Frère Odilon

Se gratte frénétiquement les melons,

Se tâte énergiquement le pilon,

Est-ce un frelon ?

Mais non ! Des morpions !

Vite pour le soignon,

Apposer lamelles de jambon,

Verser jus de citron,

Frotter peau d’oignon,

Un syphon,

Fon fon…

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Au cul la vieille Marguerite,

Voici venu le temps des vapeurs et des frites,

Des glands charnus et des prurits,

Il est l’heure aimée dans ta sombre guérite,

De boire sans soif l’eau bénite,

Qui bout au creux de ta marmite,

Sous tes jupons bouffés aux mites,

Tu plais même aux tristes Barnabites,

Aux gros bedeaux, aux très beaux Alaouites,

Qui se régalent à se vautrer dans tes pituites.

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Dans les yeux verts de Victor,

Brille, jaunâtre, un œil d’alligator,

Sa bille tordue, chenue, à l’air retors,

Semble échappée à l’apophthore,

Faut dire que ce vieux brontosaure,

Est bien plus fort qu’un bucentaure,

Plus tordu qu’un grand constrictor,

Et qu’il braille plus qu’un stentor,

Jusqu’au fin fond d’Oulan-Bator,

A faire péter tympans et transistors …

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Cette vieille chienne

Acariâtre de Lucienne

Cachée derrière ses persiennes

Moustaches de prussienne

Faux-airs de chrétienne

Baptisée à Sienne

Par  une mousmée martienne

Adore Dskaa, déesse arienne

La Lumière iranienne

Vénération païenne

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Adepte du Grand tourment

Docte impatient, Christian

Parle avec Boris Vian

De parfums d’Ispahan

Des amours de Manoukian

Il va, empoignant

Les esprits fainéants

Fulminant, trépignant

Tout le temps, tout le temps

Tel un chat-huant.

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Quand, dolente, la belle Brigitte,

Suce force tendres pommes cuites,

Il n’est pas rare qu’en zettabits

Pulsent, et dégoulinent foule de tweets,

Les hussards, les banlieusards, les Moabites,

Tous les gandins, même les truites,

Rêvent, à un près, de soixante-huit,

De coït, à défaut, de chat-bite,

Et sortent leurs tristes gigabits,

Au risque de faire très grave faillite …

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Y’a bien longtemps mon bon Gaston,

Qu’y plus un pet , plus d’téléphon qui son,

La-bas, enterré dans ton vieux bastion,

Plus d’apéro, plus de gigolette, plus de piston,

Que d’la branlette, du hareng saur, des rogatons,

Tu végètes, plus d’crampette, ni d’gros tétons,

Que d’la sniffette, de l’ammoniaque et du chichon,

Des côtelettes, du gras d’boeuf et des chicons,

Tu t’grattes la couenne, les couilles pauvre cochon,

Mais non mon vieux, mon pote, t’as pas l’air d’un vrai con …

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Gavée de frangipane

Farcie de banane

La gloutonne Suzanne

Livide, diaphane,

Est prête à rendre l’âne.

Panse de Gargantuane

Langue de cellophane

Infuser de la badiane

Siroter sa tisane

Lisant les lettres persanes

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Ce goret de Marcel

A sifflé ta coupelle

Vidé ton écuelle

Bouffé les quenelles

Gobé les mirabelles

Salit la nappe en dentelle

De tata Annabelle

Qui hurle au Ciel

Pousse les décibels

A secouer l’archange Gabriel !

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A la retraite, la belette, la Jacqueminette,

Fatiguée, et ce prénom, qui sent la bleuette,

Le citron frais, l’angélique, pas la braguette,

Toute ta vie, rêvé d’une bonne baguette,

Fleurant bon la levure, le pain frais, la quéquette

Mais tes boutons, ton haleine, t’as beau être gentillette,

C’est pas demain qu’un charmant, l’oeil castagnette,

Cheveu gommeux, moustache frisée et douces couillettes,

Bout suant discret, mi fesses mi rillettes

Va te brasser, te limer, bouffer la cramounette …

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Six mois au désert

Desséché est Norbert !

Croûtes de camembert

Morves de Saint-Nectaire.

Rôti comme sorti des enfers !

Vite une savante infirmière

Pour lui passer du baume capillaire

Un verre de Marie-brise-air

Pour revigorer ses chairs

Réhydrater ses viscères !

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Toutes ces bavardes, tous ces baveux,

Collés, mélangés, harassés, embrasés,

Se caressent, bout de plume, œil de lune,

Ils aiment, trépignent, se bouffent le nez,

Enlacés, extasiés, allongés sur la dune,

Ils se regardent, sourient, béats, illuminés,

Comme des phares, à la pointe de Camaret

A la queue leu-leu …

LES PETITS ÉMOIS DE GRACIEUX …

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Seiji Shoki. Garçon.

CHAPITRE 3.

La chambre de Gracieux jouxtait celle des filles, le mur qui les séparait était si mince qu’il n’isolait que peu, si peu qu’on aurait pu croire que les deux chambres ne faisaient qu’une, tant les bruits, à peine atténués, passaient de l’une à l’autre sans même être déformés. La tanière du garçon était spartiate, à l’image de son imagination déficiente. Murs blancs grossièrement chaulés, lit étroit affaissé en son centre, tellement que le corps du blanchot qui dormait en boule d’os au fond du trou, ne froissait même pas le couvre lit grisâtre qui le recouvrait. En veille comme au repos, Gracieux ne semblait pas être là. Une armoire, aussi bancale que le bureau de bois brut au plateau désert, complétait le décor. Pourtant, derrière son visage aussi tavelé qu’inexpressif, sous les touffes hérissées de la chevelure flamboyante qui illuminait chichement son faciès quelconque, vibraient quelques inquiétudes, le mystère de ces corps différents qui dormaient de l’autre côté du mur l’intriguait. Un peu.

Depuis l’arrivée des drôlesses, sans trop savoir pourquoi, il regardait fixement l’asticot déplumé qui pendait entre ses jambes. Il n’y avait jamais vraiment touché, sauf pour se vider la vessie. Pourtant, quand il accompagnait ses parents à la messe, souvent, alors que les voix aiguës des rosières résonnaient sous les voûtes et redescendaient en pluie acide sur les ouailles en prière, une étrange chaleur le gagnait, douce d’abord, qui lui réchauffait les membres, puis courait sous sa peau, ses rares poils se dressaient, son ventre finissait par brûler, tellement qu’il prenait peur, alors il se raccrochait au déroulement de l’office et tentait maladroitement de s’associer à ses parents qui marmonnaient en latin, un latin qu’ils ne comprenaient pas mais récitaient par cœur. Depuis l’arrivée des drôlesses, sous l’os obtus de son crâne épais, un point d’interrogation luisait faiblement. Parfois, à force de concentration, il visualisait avec peine, un triangle de peau blanche très flou, neutre, qu’il n’arrivait pas à déchiffrer. Très vite son obsession devint si forte qu’il n’osât plus les regarder en face. Le matin, au petit déjeuner frugal, il s’affalait sur la table de la cuisine, le nez plongé dans son bol de pain rassis et de lait dilué à l’eau claire, les filles grignotaient leur brouet fade, ne le regardant pas, gloussant et s’agitant sur leurs chaises. Les épaules délicates de Mathilde et les bras dodus de Xéresse le fascinaient, qu’il épiait discrètement sous ses cils courts, jaunâtres comme ceux d’un grand brûlé. Les filles voyaient bien l’embarras du garçonnet, malicieusement Mathilde l’entretenait, s’attachant à l’engluer dans sa toile, en minaudant à peine, en lui jetant de furtifs et mystérieux regards, en rejetant d’un geste gracioso ses longs cheveux noirs, en laissant parfois le rond de son épaule dépasser de sa chemise de nuit, trop grande pour elle, qui balayait le sol quand elle arrivait dans la cuisine et ne laissait rien deviner, hors l’encolure qui baillait un peu sur sa gorge, en glissant sur l’une ou l’autre de ses épaules. Xéresse faisait bouche ronde et docile, imitant les mines de Mathilde, elle aurait bien voulu en rajouter un peu, avec gestes de son cru, mais elle n’y parvenait pas. Elle prenait des airs complices, mais quand la grande ne l’avisait pas, elle se chagrinait discrètement, Gracieux, éberlué par les afféteries de Mathilde, ne la voyait même pas.

Le soir, disparu au puits de son lit boiteux, le sommeil tardait, et parfois le fuyait, quand la chaleur montait, et lui mettait les larmes au yeux tant il avait peur de ce qui lui arrivait. Un soir qu’il avait bien onze ans, quand les filles atteignaient déjà les treize et douze ans, il sentit sous ses doigts honteux les premiers frisottis rousseaux pointer au bas de son ventre. Il n’osait y toucher, il craignait le diable fourchu caché sous les draps, qui le mettrait à mal s’il osait s’y aventurer, il se voyait déjà, ventre rôti, mal à pleurer, honteux sous le regard de sa mère, le prochain samedi de la grande toilette quand elle le décrassait rudement à l’eau tiède du tub, près du fourneau dans la cuisine, tremblant à l’idée que les filles, toujours à courir comme des folle jacassantes, pouvaient surgir d’un coup, ce qui ferait à coup sûr rire la Josette. Elle voyait le bien partout la bigote, elle frottait le spaghetti de Gracieux comme s’il s’était agi d’un chandelier d’étain à récurer, le puceau serrait les genoux pour lui échapper mais elle ne lâchait pas le moineau qu’elle décalottait à coups secs, histoire de le décalaminer jusqu’au presque sang. Elle ne s’émouvait pas, elle ne semblait pas voir le petit toupet carotte de printemps qui poussait, semaine après semaine, au juste dessus du kiki du petit. L’avorton serrait les genoux, mais il avait les cuisses si maigrelettes qu’elle pouvait aisément y passer tout le bras. Elle s’attardait longuement sur la chose et lui récurait les génitoires grosses comme des œufs de caille fripés, auxquelles elle s’agrippait à les lui décoller.

Les deux fillettes avaient bien changé, elles aussi, et bien plus vite, plus en profondeur que le garçon. Elles affichaient des oranges navels, qui pointaient leurs ombilics bossus sous leurs larges blouses de coutil grossier. A vrai dire, Xéresse portait déjà des pomelos charnus, quand Mathilde avançait deux abricots bergeron, la silhouette fine, cambrée, de la sylphide, y gagnait et renforçait l’ambiguïté cultivée qui éclairait son regard noir. Mathilde était la plus grande, Gracieux ne lui arrivait qu’à mi-tête, Xéresse, elle, lui rasait le menton. La soir, toutes lumières éteintes, Elle se rejoignaient dans le lit de la grande, la petite s’adossait, recroquevillée, à la poitrine de son aînée, qui l’entourait de ses bras, lui caressant doucement les tétons du bout léger de ses longs doigts. Xéresse ne bougeait pas, faisait sa bouche de bébé rose, suçait le coin odorant du drap en tortillant une mèche de ses cheveux baillet, respirant bruyamment. De temps à autre, puis de plus en plus souvent, Mathilde laissait sa main descendre sur le ventre de Xéresse, au ras de la toison drue qu’elle frôlait lentement en s’endormant. Ça n’allait pas plus loin.

A DEUX VOIES …

1383968_10200833507745498_1074252084_nEt l’oeil de La De.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

Émus, ils se funiculèrent,

Un printemps plein de mystère,

Dans le bruissant téléféérique,

En l’air, se sont donnés la nique.

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Monsieur la funicule,

Tendre, lui dévaste la fibule,

Ce salaud d’homoncule,

Et madame gesticule.

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Cuniculi Cunicucul

Comme un pendule,

Elle crie, ça hurle,

Lui griffe les testicules.

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La Dame funiculore

Tout est multicolore,

Extasiée elle fulgore,

Et il l’adore.

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Monsieur funiculise,

Tout comme à Pise,

Ça rentre, ça grise,

A mesure qu’il s’enlise.

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A fort cuniguler,

Il se mirent, affolés,

Affamés, éberlués,

A se dévadorer.

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Elle funiculage,

Suprême outrage,

Et lâche l’orage,

Sur son beau visage.

———-

Le Sieur funiculouche,

Entre les babines de la Sainte-Nitouche,

Ruades, cascades de manouche,

Un vrai bain-douche.

———-

Bon gros cuniguleur,

A bouffer monsieur se meurt,

Et le bel artilleur,

Fait son boustifailleur.

———-

Funiculi Funicula,

Lève la queue,

Crache son gras,

Et puis s’en va.

———-

En chemin, funiculant,

Elle lui croque le gland,

Ils s’enfilent et se pâment,

En plein Paname.

———-

Cuniculi, Cuniculons,

Au lit, nous irons,

Brouter les cons,

Comme des cochons.

———-

Il dit, vous funiculer,

Jusqu’au tréfonds,

Je veux Madame,

Et vous damner le fion.

———-

Dans le funiculaire,

A cette heure-ci désert,

Comme des dromadaires,

Ils stridulent, fantasia berbère.

———-

Cunigulou, cunigulé,

M’en vais t’avaler,

Te croquer, te lécher,

Et tu prendras ton pied.

———-

Madame Funiculette,

Fait sa coquette,

Et gobe la coquillette,

Qui jaillit de sa braguette.

———-

Monsieur funiculisse,

La douce pelisse,

Humide et lisse,

Ouh… ça glisse !

———-

A deux ils cunigulent,

Au ras du vestibule,

Et dru ça pullule,

Et moussent les bulles.

———-

Madame refuniculage,

Ointe, visqueuse, laiteux cirage,

Elle défait son corsage,

Se frotte et enrage.

———-

Monsieur la funicule,

A bouffer ses cuticules,

Leste, agile funambule,

Sa queue, jolie virgule,

———-

Quand ça cunigulore,

Quand jusqu’à Bangalore,

Le soleil dore,

La sueur et les corps.

———-

Madame Funicouille,

Et son bulbe de fenouil,

Agile comme une grenouille,

Elle lui graisse la quenouille.

———-

Monsieur funiculise,

A défait sa chemise,

Savamment la défrise,

A mesure qu’il s’enlise.

———-

Mais ces cunigulâches,

Toussent et crachent,

Les humeurs salaces,

Qui les encrassent.

———-

Seigneur! Le Roi et sa Reine,

Vilainement se déchaînent,

A perdre foi, âme, haleine,

Furieusement ils funiculainent.

———-

Monsieur funiculonne,

Râle et marmonne,

Furieusement pistonne,

La fleur de la mignonne.

———-

Madame funiculache,

Joue de la cravache,

Et belle bravache,

Secoue ses pistaches.

———-

A deux ils cunigulèrent,

Jusqu’à se foutre en l’air,

Et de Rhodes à Madère,

La peau ils s’arrachèrent.

———-

Ils funiculongent,

Leurs freins ils rongent,

Rincés comme des éponges,

Puis goulûment replongent.

———-

Monsieur funiculance,

Se tortille et balance,

Longuement, avec patience,

Il retient sa semence.

———-

Leurs flancs cunigurouges,

Saignent comme des courges,

Ça attire les bourges,

Autant que les peaux-rouges.

———-

Madame funiculase,

Chevauche crûment Pégase,

Salope de hase,

Elle le mène à l’extase

———-

Monsieur funiculouche,

A bouffer ses babouches,

Décharge ses cartouches,

Dans la petite bouche.

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Un vrai cuniguloire,

A manger et à boire,

C’est une putain de foire,

A briser l’encensoir.

———-

Il funiculoire,

Refuse de croire,

Qu’à son ciboire,

Madame veut tout boire.

———-

Ainsi ils funiculeurent,

Dans les rires et les pleurs,

Jusqu’à pas d’heure,

Au fond du Sacré-Cœur.

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Belle cuniloutre,

Et sac à foutre,

Au creux de la yourte,

Ont bouffé de la poutre.

———-

Funiculi,

Funicula,

Cuniguli,

Cunigula,

Lève la queue,

Et puis s’en va …

LA DÉESSE IMPROBABLE.

portrait-of-aflaia-coronio-1870

Portrait de Aflaia Coronio.

CHAPITRE  2.

La mère de Proserpine avait comme étrange prénom Xéresse, ce qui lui valut tout au long cours de sa vie bon nombre de questions, auxquelles elle ne sut jamais répondre. Enfant trouvée un soir de pluie sur les parvis d’une ancienne église transformée en bar interlope, elle se retrouva derechef dans le giron très sec de l’Assistance Publique. Quelque rond de cuir, à la mémoire incertaine et grand amateur de mythologie, lui trouva ce prénom impossible. Ce matin là Jules Lerouble avait la mémoire trouble, sa nuit avait été blanchie à coups d’alcool de patate de contrebande, passablement frelaté, qui lui avait épluché la tête jusqu’à l’os. Alors ce matin là, après avoir vainement cherché à retrouver le nom de cette putain de foutue déesse romaine, Jules écrivit « Xéresse » à la plume sergent-major sur le registre d’état civil de la mairie de Lille.

Elle passa son âge très tendre dans une maison de la DDASS en compagnie d’autres enfants délaissés, puis fut mise en famille d’accueil vers ses cinq ans. Là elle rencontra une autre enfantelette perdue Mathilde Delamoule, une brunette élancée au cou de cygne, une noblesse naturelle aux yeux noirs et brillants comme deux olives. Xéresse lui voua instantanément une admiration sans borne. Elle, qui n’était que rondeurs et arabesques charnues, ne se lassait pas de contempler, admirative et silencieuse, ce pur visage de camée et les longs cheveux épais, noirs et élégamment bouclés, qui cascadaient sur les belles épaules de tanagra ivoirin de sa compagne. Les deux fillettes ne se quittaient pas, l’angélique dominait de la taille et du caractère la gracieuse énamourée, qui se pliait, avec une joie matinée de reconnaissance, à tous ses caprices. Josette et Martin Pêcheur étaient de braves gens sans façon, assidus aux offices de l’église voisine, qui affectionnaient les deux fillettes, pour autant que l’on puisse aimer deux recueillies qui mettaient quand même, via les émoluments versés par l’état, un peu de gras dans les hosties de la famille. Ils avaient un fils d’un an plus âgé, un petit rouquin filiforme, doux et passif, prénommé Gracieux, et ce prénom, pour le moins original, ne faisait qu’ajouter à la disgrâce naturelle du garçon. Mais Gracieux n’en souffrait pas, c’était un être simple au regard vert éteint, voilé d’une sorte de tristesse absente. Il avait de longs pieds au bout de chevilles graciles, des genoux plus épais que ses cuisses, surmontés de fesses convexes sur un bassin étroit, d’un torse court à la poitrine souffreteuse, rehaussé d’un cou exagérément long sur lequel reposait un visage maigre et pâle couronné d’une broussaille d’épis enflammés. Rien jamais ne le fit sortir de ses gonds, pas même les pires tortures qu’il endura sous la coupe conjointe des deux filles. Gracieux, bien plus tard fit une carrière de bourreur de saucisses dans une charcuterie industrielle du voisinage. Il mourut assez jeune, en oubliant de respirer, un soir qu’il était encore plus chargé que ses saucisses.

Mathilde et Xéresse ne se lâchaient donc pas, ou plutôt Xéresse courait sans cesse, à la remorque, derrière les longues enjambées élégantes de Mathilde. Autant la première était dégingandée, svelte et racée, autant la seconde était petite, rose et rondelette, et sa tignasse rousse, épaisse, mouvante, un peu bouclée, ondulait au moindre souffle. Elle avait une bouille très bille, couleur de lait cru, agrémentée de deux pommettes roses, deux yeux noisettes piquetés de tâches dorées, des yeux de pierres précieuses brillantes qui lui donnaient, tant ils étaient immensément sphériques, l’air d’une petite grenouille étonnée, aussi ravie que souriante. Elles grandirent l’une collée à l’autre, l’autre édictant, décidant, ordonnant, mais toujours si délicatement, que ses désirs semblaient venir de l’une. Mathilde était une finaude qui menait Xéresse du bout d’une cravache invisible, flexible, qui caressait, puis piquait à peine, juste ce qu’il fallait pour passer du trot au galop. Xéresse avait un caractère confiant, un regard naïf aussi, qui prenait les pires humiliations comme des marques d’amour. Mathilde l’avait très tôt compris et ne se privait pas d’en profiter. Elle était plus vicieuse et curieuse d’expériences cruelles qu’un éclat de verre acéré sur un carrelage blanc, son imagination sans bornes la conduisait à considérer les chairs fragiles de celle qui l’adulait, comme un champ consentant, qui jamais ne se plaignait, jamais ne rechignait à se laisser explorer, tripoter, maltraiter parfois. Xéresse fut sa chose, non pas qu’elle la considérât seulement comme un objet docile, car elle avait de la tendresse, une tendresse quelque peu amusée, pour cette petite boule de vie, mais parce qu’elle aimait par dessus tout, en toutes circonstances, être adorée inconditionnellement.

Or donc, par les sévices et délices que Mathilde lui imposa, Xéresse confondit dès l’aube de sa vie, sentiments, douleurs et plaisirs, et crut dur comme chair, qu’à accepter sans broncher les désirs des autres, même les plus étranges, elle existerait peut être un jour et deviendrait capable de choisir, détachée et libre.

Les deux filles partageaient la même chambre, petite mais suffisante et leurs deux lits parallèles se touchaient presque, seule la couleur des couvre-lits les différenciaient. Mathilde avait choisi le patchwork crocheté par les mains peu habiles de Josette, fait de plus de trous que de carrés de laine. C’était un pastel dans les tons sombres, qui décroissait, de la terre d’ombre au miel d’acacia, en passant par la terre de Sienne, la toison d’ours, la sépia et le chocolat au lait. Le côté à la fois chaleureux des bruns pâles, qui contrastait avec l’impression plus animale des nuances foncées évoquant les sous bois en décomposition, lui plut instantanément. Selon l’humeur du moment elle serait miel tendre ou grizzly griffu. Xéresse hérita, sans avoir eu son mot à dire, de la vieille couverture rosâtre épuisée par les lavages, ce qui ne la dérangea nullement. Une armoire de vieux bois sans grâce et deux chaise complétaient l’ameublement. Elles y passeraient des années, jusqu’à leur majorité …

DÉVADORE MOI …

1391567_10200814954001666_1026927008_nAvec le regard de La De.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Dévadore moi, toi,

Moi qui te dévodare

Tant doucement,

Tant amoureusement

Tant ardemment,

Tant supllicieusement,

Qu’à la fin je me dissous

Comme le sucre dans le lait

De ton âme explosée.

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Sur le sable de douleur

De cette couche froissée,

Nous nous sommes laissés

Emporter à nous briser,

A déchirer la surface

Comme la peau de scarface,

A nous goinfrer d’amour,

A nous sentir si lourds,

Et nos âmes éclatées.

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Viens me dévadorer, dis,

Viens t-en urgemment,

Avant que n’éclate le grand vent

Des discordes, des miséricordes,

Les chants de misère, et la horde

Harassée, brisée, puante,

Des regrets, des cris, des souffrances,

Le cours des fleurs fanées et gluantes,

Et l’idée que le beurre est rance,

Avant que je me balance

Le nœud au bout d’une corde .

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Me sens grave comme un batave

Perdu au sommet des montagnes,

Comme un cancer inquiet

Allongé, caché, aux pieds,

Des catastrophes annoncées,

Comme le film torride

De tes anciennes vies,

De tes plaisirs, languide

Tu as été, bien avant que mon gland,

Timide, ému, ignorant,

Du bout, rêve de caresser tes dents.

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Les temps passés me terrorisent

Et je me vide à ces pensées horribles,

Autant que je le peux, j’évite,

Les morsures sanglantes de la bise,

Qui souffle à bout de souffle,

Glacée, salée, et me dise

Toutes oreilles clouées, closes,

Combien je ne suis qu’une chose,

Fadasse, incolore et sans goût,

Au regard terrifiant des cuirassiers,

Destroyers, avisos et autres seigneurs,

Aux matures brûlantes, aux proues effilées,

Qui ont longé, griffé,

Cloué, caressé, rongé tes flancs,

De baleine agile échouée sur le banc,

De leurs dards ardents.

Et c’est pourquoi je pleure,

Moi pauvre leurre.

Tant.

Alors dans l’épaisse pénombre

D’une chambre inventée,

J’entends, je vois passer les ombres,

Gigantesques et dorées,

De tes anciens amants.

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Dévadore moi,

Avant que s’évapore,

Que ne quitte mes pores,

La vie qu’il me reste à t’aimer.

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Quartz aigus

Que n’ai-je pas vécu.