UNE GIRAFISSIME.
La girafissime de La De.
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Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné – ©Tous droits réservés.
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Elle fait sa révérence devant les eaux du fleuve
Ses longues pattes folles dérapent dans la boue
La girafe a la mine d’une reine déchue
Ses sabots sont fendus, ceux d’un diable fourchu.
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On dirait que sa tête a pris de furieux coups
Des coups de soleil sage ou des coups de bambou.
Maître Yoda fardé aux grands yeux de gazelle
Sous des cornes velours une moue de princesse.
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Quand Dieu est fatigué il puise dans son stock
Des bouts de vie brisées qu’il assemble au hasard
Tout là haut dans le ciel c’est un sacré bazar
Et Sophie la girafe après l’électrochoc.
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Quand Livingstone a vu cette grande improbable,
Il s’est agenouillé et a remercié Dieu,
Une telle prouesse ne peut qu’être divine,
Quand le beau et le laid engendrent telle race !
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Ébloui, amoureux, il a voulu que voie
Cette reine des brousses, son île au cœur si froid
Alors avec douceur, l’a descendue en cale
Et de bonnes hautes feuilles l’a nourrie tout du long.
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Descendue sur le quai à force de palangre
Sophie dégingandée a retrouvé le sol
Elle a tangué un peu, la mer bougeait encore
Puis les pavés de pierre ont griffé ses sabots.
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En l’espace d’un jour, elle a conquis les foules
Tout le monde se pressait et ça sentait la moule
Sur les quais envahis les femmes se pâmaient
Au bout d’une semaine Londres se l’arrachait.
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La Reine d’Angleterre l’a conviée au palais
Autour de biscuits verts elles ont bu un thé noir
Elles ont ri de bon cœur en mangeant des beignets
A Buckingham Palace leurs robes se sont prêtées.
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La reine d’Angleterre en peau de tavelée
Et Sophie la girafe en tailleur jaune citron
Ont dansé comme des folles en bas résilles gainées
Aux abords du palais on a vu des tigrons !