UNE DINDE.
Sous sa parure noire, ses plumes bien rangées
Une dinde glougloute à longueur de journée
Elle a le port altier, la démarche ondulante
Ses petits yeux sont laids, sa dégaine navrante
Autour de son long cou pendent en grappes molles
Des billes de chair rouges, on dirait une folle.
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La basse cour se tait, lapin est terrifié
On ne voit que son cul qui dépasse du terrier
La dinde ivre de morgue passe comme une reine
Même le plus beau coq pleure comme une baleine
La pintade sidérée n’ose plus cacaber
Seul le bouc du crémier a osé l’affronter.
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C’est à grands coups de corne qu’il a chassé l’intruse
Et la dinde ulcérée aussi bête qu’une buse
A voulu s’envoler jusqu’en haut du pommier.
Mais son sac de cuir fin, un sac de grande marque
S’est coincé dans les branches. Vexée comme un énarque
Elle criaille plus fort, toutes plumes empêtrées.
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Dans le ciel saturé d’azur et de nuages
Un goéland l’a vue perdue dans les branchages
Le gros oiseau vorace a piqué comme un fou
Pour dévorer tout cru le soi-disant gorfou
Arrivé sur les lieux il a vu son erreur
Il a fait demi-tour, a regagné le ciel
Et la dinde est restée accrochée par les ailes.
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Mais le singe Kiki est arrivé bien vite
Séduit par la donzelle, il a brandit son vit
A embroché la dinde comme une vulgaire catin
Elle a hurlé un peu puis s’est accoutumée
A aimé tout à fait les assauts du macaque
La folle a cacabé jusqu’à lâcher son sac.
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Dans la cour le dindon alerté par les cris
A regardé la scène d’un air à peine contrit
Puis s’en est retourné dormir en son logis.