MAIS QUI C’EST QUI M’A FAIT ÇA???
Véronèse. Mars et Vénus.
Ne vous attendez pas à monts et merveilles, mais à merveille peut-être.
Vous le croirez si vous voudrez…(les puristes me pardonneront, mais je l’entends à longueur de journée, même dans les lieux les plus «in», que je fréquente assidument, cela va de soi).
Pas de Montrachet dans ma cave, et nulle âme généreuse, nul GJE à l’horizon qui me supplie de partager la moindre bouteille… Point de Prince qui me sourit. Faut dire que… question Princesse, point très crédible ne suis. Point de mécène, point d’Arnault. Lequel, ébloui par la sûreté de mon palais, l’élégance discrète de ma plume, jette à mes pieds, quelques caisses qu’il me demande de sublimer par la magie de mon verbe, as generous as a Montrachet… Point de Libanaise pulpeuse qui m’enlève et me jette sous les douze mats de son yacht, me demandant de faire le treizième, les lombaires tendues à craquer, récompensé (moi, pas mes lombaires) par quelque flacon rare de chez Leroy venu, histoire de me refaire la moelle avant de retourner au turbin. Même pas une vieille rombière décatie à la poitrine aussi flasque que mon compte en banque, mais à la carte bleue aussi rigide que… la Justice. Laquelle, en larmes devant ma majesté, remplirait jusqu’à plus soif, mon immense Riedel – taillé «all exclusive» dans un diamant Sud Africain, gros comme un ballon de rugby – du plus immmmense, du plus intennnse, du plus subtiiil, du plus rarissiiiime des Montrachet, que vous – pauvres hères – puissiez imaginer. Tout droit sorti d’un domaine dont nul n’a jamais bu ou boira les vins, et dont je me gaverais jusqu’à rouler sous la table d’albâtre oriental, sur laquelle trôneraient en rangs serrés, langues de colibris, cervelles de cancrelats, magrets de Châs, mollets de serins, triceps de phasmes et autres nombreuses succulences térébreuses. Alors, comme la plus odieuse des stars de l’inutile, comme le plus people des égotiques, comme la plus hypocrite des ONG, j’humilierais la pauvre vieille veuve richissime, en recrachant son vin!!!
Oui, c’est pas très beau, pas très correct tout ça, mais ça me console.
La robe de ce vin «dit blanc», brille, limpide. Elle est d’un bel or pâle comme le teint de Marguerite. Les jolis reflets verts qui la nuancent, annoncent que la Margot (pas le vin), crachera ses jeunes os dans les camélias, sous peu.
Point d’erreur possible.
C’est un Chardonnay, or de la Côte si bonne, qui fume et s’ouvre sous mon nez. Le bougre n’est pas pingre et exhale de généreux arômes, complexes comme ceux des plus beaux des crus. Impression d’élégance, de finesse, de fruits à point. Fleur d’acacia, zeste et jus de citron mûr, pêche blanche, se donnent timidement. Un nez de bonne «facture»*, vibrant, fringant, délicat et tendu. L’aération et la montée en température libèrent quelques discrètes fragrances exotiques, un soupçon de vanille itou. Encore un qu’il va falloir attendre un peu…
Délicieusement gras et frais en bouche, le jus roule tout seul. Équilibré, il récite sa gamme, en tout point conforme aux prémisses olfactives. Puis il fait la boule, s’ouvre et s’étale. Une matière moyenne, certes, mais bien dans l’esprit général du vin. Agrumes et fruits tapissent et séduisent le gosier avec subtilité. Subsistent longuement, le poivre blanc, une belle acidité et un petit goût de craie qui s’incruste longuement.
Un Bourgogne « blanc » (des fois que ça s’rait pas clair…) 2007 du Domaine Buisson-Battault, tout ce qu’il y a de plus générique et qui m’en donne bien plus que mes sept euros cinquante*.
Un peu après, sur mes lèvres, le sel dont la vie est souvent avare, me régale.