Littinéraires viniques » Pinot

DOMAINE ROSSIGNOL-TRAPET. BEAUNE « TEURONS » 2004.

ROSSIGNOL-TRAPET. BEAUNE TEURONS 2004.

L’éloge de la finesse …

Le beau rubis clair de ce vin brillant chatoie sous la lumière vive, blanche, presque aveuglante, qui perce les nuages, entre deux giboulées martiennes, en ce début d’avril tourmenté. Le grenat cède lentement à la poussée tuilée qui peu à peu le gagne.

A l’ouverture le nez est dominé par des notes de gentiane peu agréables. La bouteille juste épaulée retourne à la cave une journée, le temps de laisser l’air faire son ouvrage.

 Espoir donc.

Le lendemain midi, la gentiane a disparu, remplacée par une légère amertume agréable, à peine perceptible à mon renifleur, qui signe sans doute le millésime. En lieu et place, de belles notes de roses fraîches et charnues, sous lesquelles pointe la petite griotte à gros noyau, quelques fragrances de framboises mûres, des traces de jus de viande, puis les épices douces, auxquelles succèdent enfin les senteurs d’un sous bois à l’automne, bien en harmonie avec ce printemps tumultueux. Un bouquet odorant, fondu, fin, très élégant, à l’honneur de la Bourgogne.

Quelques sucres en début de bouche mariés à l’amertume signalée ci-dessus ouvrent le bal gustatif. Le jus est pure dentelle qui éclate – après que les fruits, la merise surtout, ont donné leur mesure – et libère une acidité vive qui redresse le vin et l’emmène longuement titiller les papilles. A l’avalée, la bouche perçoit à peine, tant ils sont fins, les tannins polis et crayeux de cet animal vin à poils doux. La fine salinité qui marque les lèvres me parle subtilement du sol calcaire, caillouteux et maigre, de ce premier cru du haut de l’appellation.

Ou comment les vignerons ont su magnifier par la douceur, ces raisins de pinot nés une année délicate.

Par la fenêtre, que frappaient encore il y a peu le rideau blanc des grêles compactes, le ciel s’est éclairci, l’azur est apparu.

 Dans mon verre vide, les roses s’épanouissent …

JOSEPH VOILLOT. VOLNAY CHAMPANS 2006.

champans2

M’étonnerait que Jean Pierre Charlot, Sumo débonnaire, voix forte et propos rugueux, arrose ses « Champans » à la sauce aux pesticides. Cet homme aime et respecte trop ses vignes, pour les tartiner à la mort-au-rat !

Ceci dit pour les angéliques qui encensent les bons vignerons respectueux de la nature, et fustigent les méchants traditionalistes inconscients qui arrosent à tout va.

C’est un beau rubis clair et brillant qui repose au creux de mon verre, sous la lumière grise de ce ciel d’Avril pluvieux. Sept ans qu’il attend, dans son sarcophage de verre étouffant, de prendre un peu l’air. Sept ans que moi aussi, patiemment, je me persuade de l’attendre. C’est que les vins de J.Voillot sont travaillés pour donner du plaisir à ceux qui savent reculer le moment de prendre leur plaisir. Des vins dans la plus pure tradition Bourguignonne, qui n’ont jamais cédé aux charmes de la technologie, qui n’ont pas oublié que le temps, pour les vins comme pour l’homme, a besoin de passer pour atteindre à la maturité, qui savent bien que les bois neufs qui les accueillent pour mieux les magnifier, ne se digèrent pas dans le quart d’heure.

Sous mon nez, les fragrances mûres de la pivoine charnue, me disent, qu’enfin le jus de pinot et la douelle se sont mariés. Certes, ce n’est que le début d’un hymen qui ne connaîtra pas le divorce, mais déjà le vin a pris son bois, comme la belle son amant. Le début d’un équilibre qui ira s’accroissant. La rose séchée pointe le bout de ses premiers pétales fanés. Sous le lit de fleurs, la griotte cachée, au contact de l’air, jaillit en volutes tendres, et son noyau aussi. On ne dira jamais assez combien le pinot aime à retrouver l’air frais qui l’a accompagné tout au long de sa vie de raisin.

 Comme un papillon qui sèche ses ailes au sortir du cocon, Champans respire …

Un bouquet complexe à peine cueilli, marqué encore par de fines notes de vanille, auquel les épices douces donnent du relief. Et ce jus clair qui me caresse les papilles, comme souvent en Bourgogne, surprend par la puissance et la finesse élégante de sa matière. Il y a du vin dans ce vin. De la griotte, la fine amertume de son noyau, un soupçon de muscade, quelques notes de cuir aussi, et une poignée d’épices douces qui allongent le vin. Je me plais à le rouler, et le rouler encore au palais, autour de mes papilles ravies, longtemps sans que jamais il ne faiblisse. Après qu’il a chuté, passée l’uvule et réchauffé doucement mon corps, il demeure, frais et prégnant, longtemps présent, jusqu’à ce que ses tannins aériens, crayeux, et encore enrobés, me parlent la langue noble du terroir argilo-calcaire qui l’a marqué.

 Monsieur Charlot, je doute que vous me lisiez, mais au travers de ce vin, merci pour ce moment de grand plaisir, que de loin je partage avec vous …