RÊVERIES ENBULBÉES …
Simon. Rêverie érotique.
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Texte Christian Bétourné – ©Tous droits réservés.
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Dans le secret des terres gorgées des eaux d’hiver, le bulbe se terre. Sous ses écailles rudes, il entretient le feu des printemps passés, des soleils fulgurants, des sèves échues, des élixirs à venir. Patient, il fait la boule sur son centre fragile qui brûle de tous les espoirs du monde. Dans son petit cœur liquide, tous les possibles, tous les avenirs, attendent que le ciel décide …
Sur les bulbes de tes seins, si doux que le cœur défaille et fait trembler la main, je poursuis le voyage aveugle, sous mes paupières closes. J’y dessine la source de la vie, je traverse les déserts arides et les palmeraies liquides. La pulpe de mes doigts, qui t’arrache un soupir, frémit, quand, entrouvrant les yeux, tu souris. Je suis le pèlerin qui chemine, maladroit et grelottant, sur leurs orbes émouvants. Dans la pénombre complice, je tâtonne, m’égare et me reprends, gravis la pente forte de ton téton saillant. Nul ne sait où il va, quand il lâche la bride du cheval fou qui se cabre. Galope, bel étalon vers la vie qui se donne quand tu ne l’attends plus. Chevauche par delà les steppes de l’Asie Centrale, glisse toi toi par les canyons étroits qui mènent à Zanzibar. Dans les méandres accueillants des fleuves qui s’étalent, demande à Arthur de te tenir la main. Va, ose, intrépide et suicidaire, frôle la mort comme un oiseau sanglant, pique, vire et fonce, vers les abris tentants qui t’appellent et t’effraient. Sur ma tête planent les ombres porteuses de Charles au goéland, de Stéphane si las, de Marcel à Deauville et de Bashung si grand, au ciel des éternels disparus …
Plus profonde est la nuit, plus mon ombre s’étale, plus clair est le jour, plus je m’embrase aux feux de tes paysages de grège. Le rai de pur chrysocale qui sourd des persiennes, comme une flèche parfaite, dessine sur ton corps d’élégantes arabesques, sculpte, creuse et souligne tes courbes serpentines, encense tes reliefs, toi qui n’existe pas. Au profond de tes ourlets, la lueur accède, et je pleure comme un enfant ivre. Ces visions, qui prennent forme, habitent mon lit, mieux que les femmes mortes qui l’ont sali.
Sous le pinceau de mes doigts, je te dessine à l’envi.
Sur les bulbes de ta pleine lune je poursuis mon doux périple, monte et dégringole, gravis, doigts et langue, jusqu’au creux de tes reins. Dans la rigole tendre qui souligne les rondeurs symétriques de ta croupe tendue, nichent des oiseaux aux couleurs chatoyantes, qui picorent, à becs légers, la combe ombrée qui l’orne. En glissant tout du long, je tombe face sud jusqu’au lac allongé où je me désaltère et me plonge en eaux tropicales. Je flotte sur la mer morte de ma couche à l’extase. Sur l’herbe spumeuse qui borde la source de joie, je me roule et m’ébroue. Mon doigt dessine la carte de mon cœur entre les boucles rases qui balancent au souffle de ma voix, les lisse, encore et plus, sans effet. Toujours elles se rétractent en vrilles serrées, et s’emmêlent, se lient, se mélangent et me perdent dans leur dédale, courtes, mais touffues comme jungle Birmane. Les épices chaudes, qu’exhale la toison de jais, balaient mes narines. Cannelle, et poivre noir sur baie rose, gibier, sous bois, citronnelle et cardajoliemome, t’es toute nue sous ton pull, ferment la ronde pimentée qui me retourne les sens. Interdit, je suis, sidéré, subjugué, conquis enfin, sans lutte aucune.
Sous mon dos brûlant, le drap colle …
Sur l’oblong de ton giron, me pose enfin. Gâteau crémeux, mat et ductile, couronne des rois, saupoudrée des gouttes d’or d’un soleil diffracté. Au centre de la vasque de chair satinée, l’œil aveugle de l’ombilic me regarde, dépression joyeuse, comme la bille d’un cyclope à demi endormi. En cercles concentriques je m’en rapproche lentement, bateau fou que le maelström attire un peu plus à chaque tour, comme un aimant puissant qui m’envoûte et m’entraine. Vers le centre, je bascule mes lèvres qui se posent, duvet léger, sur sa cible moelleuse. Ma langue pointe à peine et s’agite, déclenche le spasme infime qui marque le début subtil du plaisir naissant. Sous ma main au repos, les infimes picots de ta peau qui répond, me parlent et me disent oui. Sur ta sitar hémisphérique qui chante et roucoule en vibrant, mon oreille se pose. Ta musique me berce, ma main glisse à l’envers de tes cuisses.
Le monde est calme, l’air est doux …
Puis ensemble nous bûmes au même cristal, le vin fort, le vin de Nuits de Côtes, ce vin puissant des belles terres Bourguignonnes de la maison Drouhin venu, par le climat des « Procès » en l’année 2002. Dans le rayon d’or en fusion qui traverse la chambre, le rubis éclatant brille du soleil orange et fuchsia qui peu à peu l’embrase. Les fragrances giboyeuses de l’élixir de nos nuits chaudes se mêlent aux odeurs de sellerie d’un haras sauvage. Dans les sous bois alentours, les champignons spongieux s’écrasent sous nos pas. Aux arbres du verger, pendent les fruits rouges du printemps humide. Puis le jardin s’étale, et ses roses sucrées, épanouies dans les draps froissés, déversent leurs pétales poivrés. Enfin d’une bouche à l’autre, le vin voyage, roule ses flots fruités à gorges offertes. Sur ta peau, les gouttes échappées de nos bouches rieuses, roulent le long de ton sein, jusqu’à la cime, qui tend à mes lèvres sa perle purpurine. Tendrement je la cueille. La roule, qui m’inonde le palais de son café noir, de ses tannins poudreux, imperceptibles et tendres qui éclatent en fusées réglissées, longtemps après que le jour est levé …
L’amour est bleu,
L’air est feu qui couve,
Ta peau m’est organsin,
Tu chantonnes à voix basse,
La paix est sur nous.