CLOS MANOU 2011. MEDOC.
Ici nous sommes à gauche, L’Aquitaine, étonnement, n’a pas cédé à la marée bleue, au tsunami électoral qui a, voici quelques jours, changé la couleur de l’hexagone. Va comprendre Charles !!! … Et dans cette belle région, la rive gauche de la Garonne, qui fait de grands vins, à la couleur de leurs gentlemen-propriétaires très majoritairement bleus donc, est restée rose. Là j’avoue que le mal de tête me prend …
Aussi en ce beau jour dédié au ramassage forcené des œufs, moi qui n’ai pas vu la couleur d’un de ces ovoïdes chocolatés, dédaignant le cacao de rigueur, je me suis ouvert une bouteille de Clos Manou 2011, millésime décrié par les grands prescripteurs, un millésime réputé « moyen », si j’en crois les lectures que je n’ai pas faites.
Des caisses de vins, devant lesquelles un éléphant, sans doute amateur de pinard, fait la génuflexion, une œuvre de Noëlle Roudine, décore l’étiquette de cette médocaine, une bouteille austère comme un parpaillot. Rien à voir avec ces étiquettes colorées à la mode de chez les bobos show-biz.
Carafé le jeune médoc, quatre bonnes heures, histoire de le laisser peinardement se déployer et prendre ses aises aromatiques et machin truc.
Dans un verre aux formes maternelles je le verse généreusement, sa robe sombre est impénétrable, et la forte lumière de ce jour froid et venteux, mais au soleil pourtant aussi radieux qu’éclatant, ne se laisse pas pénétrer comme la première des radasses à trois sous. C’est à peine si Phébus parvient à aquareller d’incarnat le bord du disque. Le jus, au nez, ne fait pas sa mijaurée, et se donne gentiment, aromatique, élégant, complexe et pur. Un bonheur de blair ! La cerise noire qui me caresse l’appendice est mûre, appétissante à souhait. Se joignent au bouquet des notes délicates de vanille (un vin qui n’a pas dû être élevé dans du chêne de cercueil caucasien), des fragrances de sous bois sous la pluie (champignon, humus), de réglisse en bâton, le tout enrobé d’épices douces. Cabernet sauvignon, merlot, cabernet franc, petit verdot (45/45/6/4), bien mûrs et assemblés, dansent la même valse olfactive. Pour la plus grande joie du piètre tourbillonneur que je suis. En un mot comme en cent, j’ai les poils du nez qui frétillent de plaisir.
Ah oui, j’oubliais. Vous dire aussi que les lambrusques qui ont porté les grappes gorgées de ce nectar, croissent sur des sols argilo-calcaires, de graves argileuses et de graves sableuses (50/30/20). On ne dira jamais assez que les métissages, n’en déplaise aux racistes aux fronts bas et bleus très marins, donnent des résultats splendides chez les humains et des vins foutrement bien balancés.
En bouche, de la fraîcheur maîtrisée, une matière ample, un corps sans exagération, du café noir, des fruits de même couleur, de la réglisse et des épices. Et surtout des tannins fins, croquants, enrobés et mûrs qui tapissent le palais et ses environs, doucement, longuement, sans astringence. Des tannins que le temps polira plus encore. La finale n’est pas pressée d’aller voir ailleurs et laisse en bouche une amertume noble, signe d’une belle longévité potentielle. Bref un régal de jeune vin. Le verre vide, après un petit quart d’heure embaume le cuir et la pivoine.
Alors 2011 chez Manou n’a rien de moyen, bien au contraire, et des « médocs » comme celui-ci je veux bien que la médecine m’en prescrive tous les jours.
PS : Non, non, Clos Manou n’est pas la propriété d’une nageuse reconvertie, ni même d’un directeur de cirque d’origine tzigane. Cette propriété, qui fait un si beau vin, prospère entre les mains de Françoise et Stéphane Dief.
Voilà c’est dit.