DIS-MOI DONC BLANCHE.

La Blanche de La De.

—-

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

—-

Toi qui as traîné dans la douleur tes hauts et tes bas dans les champs liquéfiés des

misères boueuses,

Toi qui t’es courbée à bras cassés sur le dos de la terre,

Toi qui a crocheté du bout de tes doigts d’enfant sale les pépites accrochées sous les mottes gluantes, entre les racines tordues des hivers bas de ciel,

Toi qui as connu dans ta prime jeunesse les champs noirs gorgés d’eaux glacées,

et la terre, cette suceuse immonde qui t’aspirait à chaque pas en te murmurant

des mots d’amour chuintants.

Dis moi donc Blanche, toi qui sais.

Ce que t’ont dit les hommes fous des bataillons sanglants.

Quand ivres de leur sang impur ils ont repeint les champs éventrés par leurs obus,

abominables baisers de chairs broyées, d’os brisés et de cervelles bouillantes.

Que t’ont-ils dit leurs enfants aveugles, ignorants et brutaux, assassins de l’histoire, goules des enfers,

briseurs de rêves, ennemis des tendresses, des sourires arcs-en-ciel, des couleurs épicées, des enfants étoilés.

Quand leurs hordes barbares ont coulé comme jus acides sur les peuples en déshérence.

Toi, petite fille des hommes simples, tu as fermé tes yeux de banquise lointaine aux reflets changeants, tes yeux de ciel irisé, tes yeux purs et durs

comme des billes bleu d’Anvers.

 Ton regard ciel de Delft

n’a pas cillé sous les lames tranchantes de leur haine bleu de Prusse.

Toi petite fille qui a connu le Siècle sauvage.

Dis-moi Blanche, si là-haut les anges duveteux sont aussi magiciens

que tes rêves d’enfant perdue.

Dis-moi donc Blanche si l’espoir t’a retrouvée.

—-

Dis-moi.