JE TRICOTE MES MOTS.

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Quand La De fait sa Pénélope.

Illustration Brigitte de Lanfranchi, texte Christian Bétourné  – ©Tous droits réservés.

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Du soir au matin frais,

Puis la moiteur épaisse,

Qui ronge les couleurs

Du monde. Désolé

De sentir la mort lente

Des feuilles éplorées.

A demi assoupi,

Je tricote mes mots.

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Mais il me faut tirer

Le fil de ma pelote,

les oiseaux se sont tus,

Les feuilles des arbres las

Pendent comme leurs ailes

Aux nervures flétries

Des érables assoiffés,

Dieu que mes rimes sont pâles.

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Et l’azur est tombé

Sur la terre écrasée,

Deux trois notes pures

Au campanile rouge

Ont peine à résonner.

La vie s’est éclipsée

Les torrents asséchés

Et mes voyelles aussi.

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Je peins la bouche sèche

Et mon pinceau hésite

L’air est flou et se tait

Mes doigts brûlent du feu

Qui court. La salamandre

Noire, aux toits écarlates

Sans un bruit s’est nichée.

Les consonnes ont sonné.

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Comme beurre les mots fondent,

Ma plume ébouriffée

Se noie dans la chair grasse

Des chaleurs du jour.

La pelote affaissée

Dans ma paume languide

Coule de tout son jus

Sur ma folle calame.

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Je tricote mes mots

Sur la laine de ton dos,

Tes soupirs m’exaltent,

Dieu que mes rimes sont pâles

Plus encore que ta peau.

Et mes voyelles aussi.

Tout au creux de ton lit,

Les consonnes ont sonné,

Elles glissent assommées,

Sur ma folle calame.

Comme le cerf qui brame,

Je tricote tes eaux.